CHRONIQUE PAR ...
Cosmic Camel Clash
Cette chronique a été importée depuis metal-immortel
Sa note :
16.5/20
LINE UP
-Nicolas Dick
(chant +guitare+programmation)
-Frédéric de Benedetti
(guitare)
-Marylin Tognolli
(basse)
TRACKLIST
1)Little Salt for a Better Feeling
2)Permanent Imbalance
3)Indefinite Direction
4)Non Existence
5)Soave
6)Like Cement
7)Diaphragme
8)Head
9)Body
10)Mistaken Solutions
11)Us and Them
12)Finish
DISCOGRAPHIE
Parfois une bio mérite d'ouvrir une chro: «Kill The Thrill présente un style original qui peut être vu comme un croisement entre métal, indus, post rock et new wave». Pas mal, hein? Ou comment faire fuir l'auditeur moyen en une leçon. Allez, soyons bon prince, la zique des Français est effectivement difficilement classable. Le post-rock je ne sais pas ce que c'est, mais les autres éléments cités sont effectivement présents: métal pour l'ambiance lourde du tout, indus pour la sonorité froide et synthétique, et new-wave pour la sonorité froide et synthétique aussi... Et la recherche d'ambiance. Une musique pas facile d'accès en tout cas.
Le chant risque de faire fuir certains d'entrée: le chanteur de Kill The Thrill évolue dans un registre mélodique-agressif très théâtral et émotionné. Par le même processus, une voix si typée rencontrera forcément ses fans... Personnellement après un rejet initial je me suis mis à beaucoup l'apprécier. La zique est éminemment mélancolique et dépressive, et la production renforce cet effet grâce à un son assez saturé, très compact et regorgeant d'informations et de couches d'arrangements. On approche dans l'idée la prod que Devin Townsend a su pondre pour ses side-projects tels qu'Ocean Machine, Terria ou les passages calmes d'Infinity: ça colle donc tout à fait à une approche contemplative et intériorisée.
Les titres sont en général très longs, avec une moyenne approchant les six minutes: cet album de douze plages dure soixante dix-neuf minutes! Et dès le titre d'ouverture il est clair que Kill The Thrill ne va pas se contenter de suivre les sentiers battus. Ligne de basse répétitive et hypnotique, lamentations d'une voix parlée écorchée, harmonies de guitare et nappes de claviers en arrière-plan tissant une ambiance apocalyptique... Puis le titre part, et ses composantes de base persistent. C'est extrêmement contemplatif, on pourrait presque être en train d'écouter une bande originale de film tant cette musique semble illustrer des situations désespérées. Comme ses copines du reste de l'album, "Permanent Imbalance" ne suit pas un quelconque schéma préétabli. C'est un plan initial exploité encore et encore, enrichi de couches successives, qui ne s'arrête que pour mieux repartir après. Et ça marche, car c'est vraiment très pensé: c'est un mini-voyage.
Cette remarque est valable pour tous les titres. Les Kill The Thrill ne composent pas des chansons, ils composent des morceaux de musique. Chaque titre est porteur de cette lourdeur mélodique qui ferait passer les morceaux les plus dépressifs de Radiohead ou Anathema pour de la musique festive bavaroise. Car tout cela est désespéré, lent, et extrêmement mélodique. Certains moments de grâce viennent agrémenter ce paysage de fin du monde avec goût, comme les chœurs d'enfant sur "An Indefinite Direction" qui débarquent subitement pour tempérer un riff et une ambiance totalement suicidaires. C'est forcément répétitif, mais cet aspect est totalement cohérent dans la démarche du groupe car Kill The Thrill développe ses titres dans une optique de transe, d'écoute totale, pas d'enchaînement un titre + un titre + un titre. On écoute ces thèmes et leurs variations posé, les yeux fermés, un casque sur les oreilles... Et on décolle.
Cet album révèle certains moments stupéfiants, autant dans le sens surprise pure qu'énorme claque. On peut mettre "Non Existence" dans la première catégorie: cette compo est portée par des claviers presque happy et très orchestrés, on se croirait dans une musique de jeu vidéo moderne... et l'émotion brute du chant couplée au schéma de batterie récurrent assène par-dessus tout ça ce sentiment de tourment émotionnel indissociable de cet album. Dans la série hallucination totale, il y a "Soave". Ce titre est le premier qui présente un réel thème à la guitare... Mais change du tout au tout pour devenir une nappe noisy soutenant un texte poétique déclamé, crié, puis hurlé par une femme complètement possédée. Le titre laisse monter la violence contenue jusqu'au point de non-retour, jusqu'au point où on est pendu à cette voix écorchée sanglotante et son texte habité d'une rage dénuée de sens. Un très, très grand titre.
Les autres moments forts de ce CD sont presque innombrables, car aucune compo ne m'a réellement déçu. Toutes ne présente pas le niveau d'inspiration de celles déjà citées, mais aucune n'est mauvaise, aucune n'échoue à transporter l'auditeur, soit dans les passages bruitistes soit dans les passages de mélodie pure. Au final cet album est une franche réussite, un ovni dans le paysage musical français. Je n'avais jamais écouté de musique de ce type, et j'ai la ferme intention de me mettre à Godflesh, groupe que les Français citent comme une forte influence et dont ils reprennent le titre "Us And Them". C'est de la musique d'une rare qualité, fruit d'une démarche artistique maîtrisée et exécutée d'une main de maître. C'est vraiment très bon. Amateurs d'ambiances pesantes, de mélodies suintantes et de rythmiques plombées, essayez Kill The Thrill. Déconseillé aux dépressifs profonds.