"Killing Spree"!! Voilà une expression que les joueurs d'Unreal Tournament connaissent bien: c'est le compliment que le jeu vous fait quand vous tuez tout plein de gens à la suite. Avec un nom de groupe pareil, l'étiquette d'extrême vient d'elle-même. Et effectivement, le groupe allemand nous distille un métal aux vocaux death d'outre-tombe, et présentant un usage du clavier très… intéressant on va dire. Le son de cet album est assez satisfaisant. Les grattes sont grosses à souhait, très heavy dans l'esprit, et la production du chant est excellente. Par contre j'ai déjà entendu nettement mieux niveau section rythmique: la basse est en arrière, et surtout la batterie sonne vraiment pauvrement. Elle est un peu noyée dans le mix, le son des cymbales est brouillon, et c'est dommage. Pour ce qui est de l'exécution, aucun problème, on est face à un groupe d'extrême moderne, donc composé de musiciens maîtrisant parfaitement leur sujet. J'attirerai spécialement l'attention sur les trop peu nombreux soli de guitare, réussis en général, avec une approche heavy-thrash très agréable, ainsi qu'un son lead frisant le parfait.
La musique de Killing Spree est assez variée dans l'ensemble, et le lien principal entre les titres est au niveau du chant. Andrè Voigt est un maître es-grunt death, avec une voix très, très grave. Il est un peu linéaire quand même, surtout que ses quelques tentatives de modulation se soldent souvent par des échecs: le refrain du titre "The Discovery" est gâché par un chant thrash/hardcore qui tombe à côté. Mais en règle général son chant death s'accorde bien avec une musique qui flotte entre heavy, thrash, gothique et black. Ce doit être ça qu'on appelle du "dark metal", j'imagine, car c'est bien une certaine atmosphère agressive et mélancolique qui relie les titres entre eux. Et le clavier, bien évidemment, sur lequel on ne peut que s'arrêter.
Le clavier, donc, semble être l'élément sur lequel Killing Spree joue son identité. Il est utilisé dans toutes les situations, en renfort ou carrément au premier plan. Et ce sont les différents usages qu'il embrasse qui font lever le sourcil: tantôt il pose des nappes glaciales et des touches cyber derrière les riffs les plus assassins, dans un esprit proche de Fear Factory, tantôt il se la joue symphonique à fond, et fait sonner le groupe comme Cradle ou Nightwish par instants. C'est une approche assez variée! A ce propos il est amusant de constater que malgré toute la merde qui a été dite sur Cradle Of Filth, il est quasiment impossible pour un groupe moderne de se lancer dans le black «à clavier» sans sonner instantanément comme ce groupe si décrié. Mais passons… Ici le clavier est surprenant car les sons sont parfois très chelou, dans un esprit «Bontempi à deux euros» qui choque. Le break de "Burning East", le premier titre, nous renvoie dans les expérimentations des 70's, avec un son limite parodique! Idem pour les intros de "Deep In The Woods", et "Choose And Decide" qui sonnent vraiment "cheap", on dirait de la mauvaise musique d'ascensceur, ou une B.O.F. ratée de Final Fantasy.
Heureusement que le clavier n'est pas non plus le centre des compos, on est quand même face à un groupe à guitares qui tapent! Après une intro ratée, le title-track "Choose And Decide" est d'ailleurs assez réussi, entre des couplets très goth, des passages thrash bien incisifs et de petites touches hardcore. Les titres "Black Summer" et "Star Soldiers" valent aussi le détour, avec une dynamique bien pensée (Killing Spree gère bien les transitions en général). Par contre on se retrouve aussi devant des titres pauvres ou inégaux: "Attack Myself" fait vraiment Cradle par moments (surtout avec les vocaux black en contre-chant), "The Discovery" est un titre très répétitif, et le chant thrash du dernier titre "Angst" à beau apporter un peu de nouveauté, la compo pêche par ses clichés heavy/black qui empêchent Killing Spree de se démarquer du fantôme Cradle. Il n'y a que les soli de guitare tout en feeling pour rattraper ce titre, et il y en a peut-être quatre sur l'album, donc…
En résumé, Killing Spree est un groupe relativement prometteur, mais qui est encore un peu trop englué dans ses influences pour se détacher de la masse. Son dark metal (on va appeler ça comme ça) est assez intéressant, mais il me semble que certains titres sont trop éparpillés, alors que d'autres, au contraires, s'enferment trop dans un genre pour être pertinentes. Il reste sur cette galette quelques titres où un réel équilibre est atteint, et dans ces moments-là Killing Spree fait assez mal. Faites ce que vous voulez, mais moi je vais les attendre au tournant.