CHRONIQUE PAR ...
Daphné
Cette chronique a été importée depuis metal-immortel
Sa note :
8/20
LINE UP
-Richard Patrick
(chant)
-Brian Liesegang
(guitare)
TRACKLIST
1)Hey Man, Nice Shot
2)Dose
3)Under
4)Spent
5)Take Another
6)Stuck in Here
7)It's over
8)Gerbil
9)White Like That
10)Consider This
11)So Cool
DISCOGRAPHIE
Les autoproductions fleurissent dans le monde du metal, et il n’est pas rare que dans le tas d’immondices bien souvent engendrées, de jeunes débutants émergent grâce à leurs qualités prometteuses, présage d’un potentiel énorme. Ce n’est pas du tout le cas de Filter; car ce qui surprend, ce ne sont pas les qualités musicales de ce groupe autoproduit, mais plutôt le CV joint: Richard Patrick, l’âme de Filter, fondateur et mentor, n’est autre que l’ancien guitariste (qu’UN des anciens guitaristes, plutôt) de… Nine Inch Nails!
Un bagage non dénué d’intérêt qui en aurait poussé plus d’un au rejet, mais qui a forcé le respect chez les gars de Reprise Records, qui ont accepté de relever le défi en éditant l’homme qui avait survécu à la collaboration avec le très mégalomane et capricieux Trent Reznor. Il a survécu, le bonhomme, certes; mais ça laisse quand même de graves séquelles, qui transpirent douloureusement dans l’atmosphère de Short Bus. Un album attendu au tournant, qui a satisfait bon nombre d’amateurs malades mentaux ou bien drogués de metal indépendant made in ze garage, mais qui a laissé sceptique les autres, les gens normaux, et même moi.
Il est impossible de nier que le disque sent l’alcool, les cachetons et le crack à plein nez. Ce n’est pas de la musique, c’est de la bouillasse infâme, nauséabonde et malsaine: les paroles sont tout en finesse et poésie («I think you’d be better off if you were dead», «it makes me want to stick my fist through your face»), desservies par une production crade et insoutenable qui ne vient même pas sauver la pauvreté musicale de l’ensemble: les guitares accrochent et saturent, la batterie n’est pas dans le rythme et le chant se résume à quelques tenattives de notes au milieu de borborygmes d’insultes et de sons gutturaux stupides. Ce n’est pas violent, non, c’est simplement lourd, gras, dérangeant.
Mais complètement assumé, et délicieusement politiquement incorrect, voire douteux. C’est mauvais, et pourtant, jubilatoire: assurément pas sérieux, fun et très con. Comme les concours de rots: c’est dégueu, ça pue la bière, mais en même temps, ça sent tellement bon l’anti-conservatisme et le retour à la primitivité que ça en devient jouissif, d’autant qu’ils ne sont que deux à réaliser un tel vacarme, et rien que pour ça, *respect*. En réalité, bien que l’album ne brille que par son absence de prétentions et son doux parfun de Budweiser, on se plaît à l’écouter en boucle, juste pour la provoc’, juste pour se prendre pour un gros plein de bière crétin jusqu’à l’os mais qui le sait, l’assume, et en remet une couche en gerbant sur vos pompes, le sourire et la bave aux lèvres. Parce que ça fait du bien de se la jouer crado parfois.
En résumé, Short Bus, c’est comme un gros prout dans l’eau: c’est sans intérêt et sale, mais ça soulage. Difficile d’imaginer que trois ans plus tard, Filter allait sortir une autre perle, mais d’un tout autre niveau, Title Of Record, sans doute l’un des meilleurs albums de ma discothèque. Comme quoi, même un Short Bus peut vous mener très loin.