CHRONIQUE PAR ...
Cosmic Camel Clash
Cette chronique a été importée depuis metal-immortel
Sa note :
18/20
LINE UP
-Yves Jamait
(chant+guitare)
-Laurent Delors
(guitare)
-Marc Descloitres
(basse+chœurs)
-François Cogné
(clavier+chœurs)
-Hervé Faisandaz
(batterie+percussions+chœurs)
TRACKLIST
1)La fleur de l'âge
2)Adieu à jamais
3)Le bar de l'univers
4)C'est pas la peine
5)Dimanche (caresse moi)
6)Y en a qui...
7)C'est l'heure
8)Reste
9)Et je bois
10)Dis quand reviendras-tu
11)Sans façon
12)Ok. tu t'en vas
13)L'amer
DISCOGRAPHIE
Cest l'histoire d'un type avec un béret qui jouait dans les bars de Dijon et qui aujourd'hui blinde son Zénith trois mois à l'avance... Yves Jamait est maintenant connu du grand public et tourne partout en France, mais à l'époque de la sortie de ce premier album il n'est qu'un artiste confidentiel dont la célébrité s'étend de la place Darcy à la place Wilson (comptez dix minutes à pied). Puis le buzz s'est créé, puis il a grandi, et De verre en vers... est devenu petit à petit un album-référence de cette « nouvelle » chanson française qui n'a pourtant jamais cessé d'exister. Poète paillard, romantique rabelaisien, voici Jamait et son monde où blondes et brunes se dégustent avec le même délice...
Jamait (le groupe) ce sont trois éléments : une musique, une voix et des textes. La musique est résolument populaire, et vient frôler la musette par moments ("La Fleur de l'Âge", "Adieu") pour titiller le reggae un peu plus loin ("Y'en a qui"), la bossa ("Reste") ou la variété ("C'est l'Heure" et son parfum Lemarque/Montand), mais le pilier qui soutient tout ça est le jazz. Incarné par les lignes d'une basse frustrée de ne pas être contrebasse et une batterie bien plus fine qu'il n'y paraît, le jazz à la Jamait fait swinguer "Le Bar de l'Univers" et "Et je Bois" comme personne et apporte à des compos aux textes noirs comme "C'est pas la Peine" un côté festif et sarcastique de bon aloi. Ajoutez un son très bien foutu, riche en basses et très organique, et vous avez un album dont l'écoute purement musicale est extrêmement plaisante. On sent un groupe qui prend clairement son pied en jouant, ce qui fait toujours du bien.
L'accompagnement étant d'une telle qualité il fallait que la voix suive... et c'est le cas. Jamait (le chanteur) est doté d'un brin de voix d'autant plus joli qu'il peut à volonté le rehausser d'un petit grain rocailleux pour appuyer les moments les plus intenses (le métalleux en moi parlerait de chant clair/agressif). Il exprime avec le même talent la gouaille d'une joyeuse nuit de biture, la déprime profonde liée au vide intérieur ou la tendresse pour l'être aimé. Et si l'homme sait se faire polymorphe vocalement, ce n'est que le reflet de son univers intérieur : l'univers de Jamait est placé sous le double symbole de la poésie la plus douce et de la jouissance procurée par les plaisirs physiques, le sexe et l'alcool en particulier. Jamait est en fait ce qu'on attendait depuis longtemps : un poète avec une paire de couilles! Jamait n'a en effet pas son pareil pour produire des textes d'une qualité littéraire remarquable sur des thèmes profanes, tel un Brassens avant lui...
L'exemple le plus bluffant de ce mariage est "Le Bar de l'Univers" qui développe une métaphore filée sur les planètes tout au long du titre, dont le thème est... la déconvenue de l'auteur après s'être pris un râteau dans un bar, et la cuite qu'il prend en conséquence. "C'est l'Heure" parlera à tous ceux qui ont vu la ville s'éveiller alors qu'ils partaient se coucher après une nuit blanche, la description étant d'une justesse et d'une beauté peu communes. Jamait peut être tour à tour revendicatif, féroce voire très vache ("Ok, Tu t'en Vas"), optimiste car amoureux ("Adieu à Jamais") ou exprimer un spleen d'une intensité à couper le souffle, comme sur le chef-d'oeuvre "Dimanche (Caresse-moi)". La guitare de Laurent Delors accomplit des merveilles sur ce titre qui reste un des plus grands arrache-tripes dans son genre, et est devenue culte chez les (nombreux) fans du bonhomme.
Il y a vraiment très peu à jeter sur ce recueil de chansons : on rit, on s'emporte, on s'émeut, et surtout on s'y retrouve qui que l'on puisse être. Il y a au moins une chanson sur cet album qui vous touchera profondément car elle renverra à votre vécu, à moins que vous n'ayez jamais rien ressenti de votre vie. Ce côté cathartique renforce l'impact et le plaisir d'écoute d'un premier album hors-normes qui a suffi à garantir à son auteur une place de choix dans le coeur de la jeunesse dijonnaise puis française. A part quelques titres plus inégaux comme "Dis quand Reviendras-tu" ou "Sans Façons", c'est du pur bonheur. Faites-vous plaisir, et en attendant d'acquérir l'objet (superbe et peint par l'auteur) appréciez ces quelques extraits :
Sur le comptoir de l'Univers, une Vénus crépusculaire
Boit du lait-rhum un peu amer en attendant son Jupiter
Sous sa parure d'oripeaux, ainsi à l'aise comme dans sa thurne
Une fumée bleue de Neptune sortant de sa bouche en anneaux...
("Le Bar de l'Univers")
Ce soir si ma muse est brune, je voudrais la boire sur lie (lit)
Ne garder d'elle que l'écume, le souvenir d'un oubli
("Et je Bois")
Caresse-moi, caresse-moi! J'ai le ventre gonflé de larmes
Ce soir la vie me rétame, caresse-moi, caresse-moi...
Caresse-moi, caresse-moi! Ne laisse pas ce jour vieillir
Sans poser avant qu'il n'expire
Tes mains sur moi...
("Dimanche")
C'est l'heure où tous les rêves vont être assassinés
Par l'aiguille acérée de l'exactitude
Où les corps vont se plonger sans la multitude
C'est l'heure!
("C'est l'Heure")
Et je bois, et je bois, et j'imbibe ma carcasse
De tout ce qui coule, qui est fort, alcoolisé, et qui fracasse
("Et je Bois")