A tout le monde, à tous mes amis Je vous aime, mais j’ai dû partir: en 2004, un allumé m’a tiré dessus lors d’un concert de mon groupe Damageplan. Rassurez-vous : j’ai quand même bien vécu. Si vous ne me croyez pas, il vous suffit juste de jeter un œil sur mon DVD Dimevision. Vous saurez alors tout ce que vous avez voulu savoir sur Dimebag Darrell sans jamais avoir osé le demander.
Autant être franc et mettre les points sur les i : regarder d’une traite les 84 minutes de ce DVD relève soit de l’idolâtrie aveugle pour Darrell, soit du masochisme poussé à l’extrême. Dimevision, c’est quoi ? A la base une rétrospective intimiste de Dimebag, sa vie, son œuvre et surtout jeu de guitare toujours reconnaissable entre mille. Mais finalement Dimevision est tout autre, à savoir une sorte de Vidéo Gag/Jackass dans lequel Dimebag et ses ouailles alignent des sommets de conneries, le tout filmé avec le caméscope de mémé. Inutile de bidouiller le paramétrage du téléviseur Full HD pour obtenir un confort de vision. Dans le meilleur des cas, l’image sera aussi précise que celle du dernier DivX repiqué à un collègue de travail. Voilà pour le contenant.
Et pour la cohérence du contenu, il faudra repasser. En vrac, composent la galette un paintball brutal sauce texane, une session de tatouage, deux séances d’autographes, quelques chutes en skateboard, du burn avec un gros 4X4… Sans oublier d’innombrables tirs d’artifices dans un salon, mais surtout en direction d’un pote martyr de tous les autres. Ceci explique pourquoi un introductif message à caractère informatif tend à rappeler aux plus jeunes -et aux autres d’ailleurs- qu’il est vain de reproduire dans le monde réel ce qui est diffusé à l’écran. Plus drôle est l’interview de Dime et de son frère Vinnie réalisée par un costard-cravate de CNN Dallas qui semble plus au point pour analyser le cour du Nasdaq que la séparation de Pantera.
Dieu merci quelques photos et interludes musicaux viennent ponctuer ce récital d’intelligence. Pour la plupart, il s’agit de vidéos live filmant le guitariste en contre-plongée mais surtout en plein solo. Tous les morceaux de bravoure de Pantera y passent, "Cemetary Gates", "Walk" et "I’m Broken" en tête de gondole. Dimebag n’était pas qu’un joyeux farceur buveur de Budweiser : il savait aussi jouer de la guitare. Un passage le montre, tout jeune et mince, reprendre parfaitement les standards du heavy d’antan dont le "Flying High Agai"n d’Osbourne, "Eruption" de Van Halen mais surtout un excellent "Seek and Destroy" sur lequel il pousse même la chansonnette.
Pas la moindre séquence émotion à l’horizon. Le réalisateur-monteur a eu la décence d’épargner au spectateur le flash info annonçant le décès de Darrell, ses funérailles réunissant sa famille et le petit monde du métal, les justifications d’Anselmo, l‘hommage au piano de Zakk Wylde… Seul le générique de fin (diaporama de ses couvertures de magazines spécialisés, dont celle de Hard Force) tend à rappeler la fin brutale du musicien qui n’avait pas imaginé, lorsqu’il jouait avec le feu, que d’autres pouvaient user d’une arme dans un tout autre but que celui d’amuser la galerie.
Autant se passer du volume I de ce DVD et conserver de Dimebag le souvenir de l’immense musicien qu’il était. C’est-à-dire celui qu’il reste possible de voir et d’entendre (en mieux) dans les DVD live de Pantera. A moins que ses proches ne rectifient le tir pour le volet II de Dimevision en lui rendant hommage avec humour, certes, mais davantage de sérieux.