02 octobre 2013
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Paris - Trabendo
Voir un de ses groupes préférés, c'est toujours super cool. Mais quand en plus le-dit groupe a choisi d'emmener avec lui pour assurer sa première partie un autre excellent combo, la soirée commence à véritablement s'annoncer des plus bandantes. Et quand, par dessus le marché, le chanteur-guitariste du-dit groupe s'avère être un de vos artistes préférés « de tout le monde entier », on se dit qu'on a vraiment du cul. Bref c'est l'histoire d'un mec fan fan de John Dyer Baizley qui va voir Baroness et Royal Thunder.
Et en ce glorieux mardi d'octobre, les choses se passent au Trabendo, charmante petite salle de concert/club agréablement paumée dans le parc de la Villette, coincée entre le Zénith et la sur-massive Philharmonie de Paris, en cours de construction. Un très beau lieu, et qui de plus se prête parfaitement aux concerts les plus poilus, la scène étant bien visible depuis presque tous les coins de la salle du fait d'une configuration des plus originales. Bref, pour cette fois on a fait l'effort d'arriver presque à l'heure, et on assistera à plus de la moitié du set de
Royal Thunder. Le combo américain, héritier d'un lourd mélange enfumé entre classic rock à la Led Zep et rock pysché agrémenté de quelques touches de sludge voire de doom (bien que l'ensemble reste cependant assez aérien), offrira un set des plus honnêtes. Le son est excellent même si on peut déplorer l'absence d'un second guitariste, la bassiste-chanteuse déchire exactement comme sur album, ses deux comparses sont au diapason (sacrés musiciens, notamment le batteur), et Royal Thunder joue même deux nouveaux morceaux issus de leur très prochain second album, auquel vous seriez bien avisés de prêter l'oreille, car cela promet. On sent un groupe assez introverti et pas très à l'aise dans sa comm' avec le public, mais quand ça joue, «putain ça joue !», j'en veux pour preuve le fabuleux morceaux "Blue", LA tuerie du premier album des ricains, pièce progressive de 10 minutes pleine de génie et d'émotions diverses, laquelle vient clore leur set avec brio.
Après une ou deux pintes bien appréciables sur la terrasse du Trab', on retourne à l'intérieur pour constater que la salle se remplit comme un œuf. La réputation de
Baroness n'est plus à faire et les mecs de Savannah sont attendus de pied ferme. On le sait,
Yellow & Green, leur dernière livraison, a lourdement divisé. Impossible de « chier» dessus devant la qualité indéniable de l'ensemble, mais la légèreté du propos et le changement de direction imprimé à sa troupe par JDB en aura laissé plus d'un sur le carreau. Moins de sludge et de rock lourd et crasseux, moins de beuglements épiques, plus de retenue, de variété, des morceaux au format résolument plus calibré, bref Baronness a nettement calmé les chevaux sur ce double opus regorgeant d'autant de pépites que de lourdes déceptions. Mais au vu de l'ambiance générale qui régna mardi, il est clair que cette sortie n'aura aucunement entamé leur côte de popularité dans la capitale. Faut dire aussi que quand Baroness débarque, il s'avère assez vite que la bande à JDB a mis toutes les chances de son côté. C'est en effet sur "Ogeechee Hymnal" que les yankees se pointent, et ce morceau est marquant pour tous les fans du Blue Record puisqu'il reprend le thème de l'album, égrainé plusieurs fois au sein de celui-ci. Quel kiffe de l'entendre enfin en vrai !
Les mecs ont le sourire et plein d'énergie à revendre malgré une longue tournée dans les pattes, et ça fait plaisir. Son impeccable (vraiment, le Trab' semble au dessus du lot pour cela), lightshow simple mais cohérent (lumières vertes quand ça joue du green album, lumière jaune pour du yellow, lumière bleue pour du blue, etc.), groupe techniquement irréprochable et public chaud comme la braise, ce qui ne manquera pas d'étonner JDB, à qui l'on avait dit que le public parisien était parfois « trop poli ». Le barbu constate qu'il n'en est rien et cela a l'air de l'emplir d'allégresse, tout comme son guitariste, ému à la fin du concert, et qui remerciera longuement et chaleureusement le public. Mais pour faire un aussi bon concert, il fallait avant tout une super set-list. Et on l'a eu, ça ouais. A peine l'intro achevée que le groupe envoie "Take My Bones Away" et surtout LE tube de
Yellow & Green, "March To The Sea", vraie tuerie en live. A peine remis que l'on se prend "A Horse Called Golgotha" dans la face, et on parle peut-être là d'un des tous meilleurs morceaux de Baroness. OUCH. Débute ensuite un enchainement de morceaux issus de
Yellow & Green (à l’exception de "Swollen & Halo"), et là une inquiétude s'installe : tous ces morceaux sont certes plutôt sympas, mais ils sont tout de même bien mous sur album, aussi craint-on un instant que l'ambiance se casse la gueule, comme cela arrive parfois en milieu de concert chez pas mal d'artistes. Mais l'inquiétude est bien vite évacuée au vu de l'énergie que le groupe met dans l'interprétation de ces titres. Si l’enchaînement "Fool Song" et "Little Things" sera indéniablement le «temps faible» du concert, derrière le groupe va nous laisser sur le carreau. Déjà, jouer le "Green Theme", mais MERCI quoi, ce morceau est tellement épique et dans la lignée du Red et du Blue qu'il m'avait d'entrée rassuré, à l'époque de l'album, sur le fait que Baroness restait bien Baroness. Et force est de constater que des morceaux comme "Cocainum", "Eula", et plus encore "The Line Between", prennent tout leur sens et tout leur poids en live, pour un résultat juste énorme qui donne envie de se replonger à fond dans le dernier double album des mecs de Savannah (ça n'a pas loupé, vous vous en doutez).
Une autre inquiétude se portait sur le chant. On le sait, Baroness n'est pas réputé pour la qualité du chant de son frontman, et cela en a d'ailleurs rebuté plus d'un quand on lit des critiques parfois peu reluisantes de Red ou de Blue (que je ne partage absolument pas, au demeurant). En effet, l'ami JDB a toujours eu cette tendance à gueuler fort et de manière assez monocorde, mais sans aller jusqu'aux hurlements metal ou hardcore. Un chant monolithique, fort en gueule et peu varié qui ne plait pas à tout le monde, en somme. Mais force est de constater qu'en live, ça fout sa grosse claque, d'autant que le bonhomme tient parfaitement ses (quelques) notes et donne tout ce qu'il a, bien aidé en cela par son guitariste, pour un chant presque exclusivement à deux voix au résultat des plus épiques. En plein dans le mille donc. La fin du concert sera fabuleuse avec une salle déchaînée (je me demande encore comment autant de mecs ont réussi à slammer vu la taille vraiment limitée de la fosse). Baroness s'en amuse, tout le monde passe un superbe moment et le rappel sera marqué par un enchaînement de tubes qui achèvera tout le monde. "The Sweetest Curse", en lice également pour le tire de meilleur morceau "ever" de Baroness, "Jake's Leg" et, ENFIN, pour clore les hostilités de la plus belle des manières, un morceau du Red Album, et sans doute le meilleur de celui-ci, "Isak".
Les américains quittent la scène sous les acclamations des quelques 700 personnes présentes ce soir, et on doit déjà s'en retourner prendre son petit métro, les oreilles pétées comme d'habitude, mais avec un sourire aux lèvres plus large encore qu'à l'accoutumée. Le son de cloche entendu à la sortie du Trab' est unanime : concert de ouf. Des groupes comme ça, il en faut clairement plus. Un regret cependant, bien que très personnel : je n'ai pas osé aller alpaguer John Dyer Baizley pour lui montrer mon bras gauche, où est en cours de construction une fresque issue d'un mash-up de ses divers travaux d'illustrateur (de génie, allez donc voir son blog). Qu'à cela ne tienne, quand l'ensemble sera fini je lui enverrais des photos, en espérant qu'il apprécie ! Pour le reste, tout fut parfait, et je ne peux que vous enjoindre à aller voir ce groupe si il passe par chez vous, vous ne le regretterez pas. Ces mecs contribuent à faire vivre une certaine idée du rock, et on ne les en remerciera jamais assez.