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Cédric Gorré
Entretien avec Cédric - le 31 mars 2020
Winter
Une interview de
Cédric est vrai. Carl l'est également, même s'il n'existe que dans
Je Suis Celui Qui Suis
. Cédric est un amateur de metal. Carl ne l'est pas. Mais la priorité est donnée au créateur sur sa créature. Et les amateurs de notre musique préférée se reconnaîtront totalement dans le premier volet des tribulations d'un homme amoché par la vie, qui tente de faire face dans son univers anxiogène.
Pour résumer. Romans metal. Episode 2 : Cédric Gorré, auteur de
Je Suis Celui Qui Suis
.
-
Winter : Salut Cédric. Es-tu surpris que je t’inclue dans une « liste » d’auteur metal, alors que ton univers ne l’est pas, explicitement tout du moins ?
Cédric
: Hum. Une bonne question. J’ai tendance à faire des associations – hasardeuses et non fondées – entre un support – un roman, un film, un article, un album –, son auteur et ses goûts. En écoutant Elton John, je ne l’imagine pas chanter du Priest ou du Pantera sous la douche. Guillaume Canet ne m’évoque pas plus Cannibal Corpse que Sharon Stone, Limp Bizkit. A l’inverse, il est évident pour moi que Karl Lagerfeld kiffait Wagner et que Slash adorait Jimmy Page, haha. C’est un peu comme les couleurs des artworks qui polluent ensuite mon écoute : de manière indélébile, tous les morceaux de
Ride The Lightning
dégagent une sensation de fraîcheur crue là où ceux de
Kill ‘em All
suggèrent le feu, la violence brute et débridée. Si on m’avait inversé les covers à la première écoute, je ne visualiserais pas un blizzard en écoutant "The Call of Ktulu" mais une éruption solaire ou un gang en train de courser un pauvre mec pour le défoncer ! Ce ne sont que des préjugés, des impressions, des suppositions. Bref, j’ai tendance à rapprocher des choses sans fondements. Et donc, apprendre que Cédric Sire est amateur de metal extrême après l’avoir lu ne me surprend pas plus que Fincher appréciant le boulot de Trent Reznor. Considérer qu’un auteur d’horreur fantastique a une accointance avec ce style musical est un raccourci que je ne peux m’empêcher d’emprunter. Du coup, peut-être as-tu raisonné de la même manière et assimilé mon texte à une violence que l’on retrouve dans la musique « metal » ?
En tout cas, pour répondre succinctement (haha) : non, je ne suis pas surpris.
Winter : Le concept de « roman metal » a-t-il un sens pour toi ?
Cédric
: J’aime bien l’idée en général. Le fait que Stephen King ait relié une vingtaine de ses écrits à
La Tour Sombre
qui est l’histoire de sa vie – pas nécessairement la meilleure mais la plus significative – rend toute son œuvre conceptuelle dans le sens de ta question. Ça m’influence forcément. Il y a par exemple mon village d’origine qui revient à chaque fois dans mes textes, ou un artéfact – la Pierre-Cheval – parce que j’imagine une personne qui lira et liera tous mes textes et kiffera les références et les connexions. Sur la musique, je n’irai pas jusqu’à dire que les plus grands albums sont conceptuels, mais on ne peut m’ôter le fait que
The Wall
,
Seventh Son Of A Seventh Son
,
From Mars To Sirius, The Downward Spiral
ou
Fear Of A Blank Planet
sont parmi les meilleures choses qui aient coulé dans mes oreilles. Et je pense que la manière d’aborder la conception des morceaux, la structuration de l’album, l’artwork ou les textes a mis les auteurs dans une position particulière de narrateur, ce qui impose de fait une rigueur et une cohérence qu’ils n’auraient peut-être pas eu – ou pas avec la même intensité – s’ils avaient abordé leur chose en segments différenciés.
Du coup, appliquer le même schéma à un roman, qui aurait comme horizon la musique metal, ça me plaît. Ça m’engage dans mes goûts, ça me pousse à trouver les références – ou à en découvrir – et ça m’inspire : je trouve amusant l’idée de mêler une fiction à un courant artistique qui a marqué des milliers d’âmes.
Winter : Penses-tu que la musique que tu écoutes t’a influencé pour écrire ? A moins que ce soit l’écriture qui influence tes goûts musicaux ?
Cédric
: La poule et l’œuf, hein ? C’est intéressant. J’imagine qu’une réponse à la « les deux » serait bâtarde même si je pense sincèrement qu’elle me correspond. Question une : la musique m’influence-t-elle ? Oui : j’écoutais "Aeon" de Neurosis à un moment, et dans la scène, mes doigts ont commencé à décrire des percussions tribales, des hurlements de créatures infernales, un truc hyper suffocant, à se flinguer. J’ai piqué les images sonores pour les mettre en mots. Question deux : l’écriture influence-t-elle mes goûts musicaux ? Oui. Je n’allais pas bien au démarrage de l’histoire, ma tronche se cassait la gueule, s’émiettait sans raisons apparentes. J’avais besoin de couleurs de sons pour la palette d’émotions que j’avais à sortir. Je me souviens que pour certaines scènes, j’écoutais en boucle le morceau "The Outsider" d'A Perfect Circle mais attention, pas la version de l’album mais celle du live chez Jay Leno. En boucle. Ou "Mazohyst Of Decadence" de Dir En Grey, "Third Eye" de Tool. En boucle. Trois fois, quatre, cinq. A s’en saouler. Dans ce cas-là, je ne sais pas, la vibe des chansons, ce qu’elles racontaient, la manière qu’elles avaient de me percuter le bide, ça s’infusait et ressortait sur le papier. Mais c’était mes entrailles qui avaient sélectionné les mélodies. Je n’aurais pas pu écrire ça en écoutant du Wham! haha.
Winter : Donc tu écris en musique...
Cédric
: Donc oui, mais pas que. En fait, en prenant du recul, j’ai la sensation que c’est par phase narrative. J’ai des scènes pilotées de A à Z par une sorte d’inconscience, parce que mon MOI buvait le son et laissait les mains en solo. D’autres pour lesquelles j’avais besoin de concentration, pour maintenir des repères temporels ou m’imprégner d’une ambiance, ou simplement une conne de phrase dont la tournure ne convient avec aucun des milliers de mots que je lui soumets en dépit de la clarté avec laquelle elle illumine ma tronche… Donc : ça dépend.
Winter : Ton univers possède un goût âpre. T’y sens-tu à l’aise ? Le processus d’écriture a-t-il une fonction particulière pour toi (exutoire) ?
Cédric
: Je n’ai jamais tenté le coup, de me pousser en dehors de mon « univers », je veux dire, essayer de rédiger une histoire d’amour qui se termine bien ou un drame familial à la française. Tout au plus me suis-je exercé à la rédaction de nouvelles (en tant que lecteur, j’y suis assez allergique, je trouve ce format frustrant). Je vais sortir une phrase à la Batman : je me sens à l’aise dans l’ombre, haha. Ça me permet effectivement de bazarder par écrit les hurlements blancs qui occupent une partie de mon espace mental. Pour Carl, il s’agissait de traduire ma détresse psychique, pour
Les Enfants de Saturne
(à venir, normalement…), j’ai lâché les chevaux sur le néolibéralisme, sur le techno-fascisme qui vient, ce genre de choses. J’imagine que tout auteur – au sens très très large – utilise son média pour se vider.
Winter : Quelles sont tes principales influences artistiques (écrivains, musiciens, réalisateurs…) ? Lesquelles ont-elles pesé sur l’écriture de
Je Suis Celui Qui Suis
?
Cédric
: Pfiou, là aussi, t’as deux plombes ? Si je ne prends que les trois catégories que tu proposes, et que je ne garde que trois noms pour chacune d’elles, je dirais Stephen King, Chuck Palahniuk, Graham Masterton. La vache, pas facile. Neurosis est important pour moi, c’est la bande son de l’apocalypse, leur musique. Ensuite… Deftones me semble impeccable, un parcours fascinant, ils ont créé leur son, leur style et parviennent encore aujourd’hui à aérer leurs compositions. Et bien sûr : Nine Inch Nails. C’est sans doute l’entité musicale qui m’a fait le plus vibrer depuis sa création. Et pour les réal… je ne suis pas particulièrement attaché à des noms, même si certaines pattes sont référentielles (Kubrick, De Palma, McTiernan, Scorsese etc.), je m’attache davantage aux films, à certains acteurs. Après, c’est assez large, l’horreur, le fantastique, le thriller, même si j’ai une culture bien trop américano centrée, je le reconnais.
Winter :
Je Suis Celui Qui Suis
se prêterait bien à une adaptation cinématographique, non ? Quels acteurs choisirais-tu ? Quelle bande-son ? Quel réalisateur ?
Cédric
: En tout cas, l’histoire est un film pour moi, les images sont limpides, les décors, j’ai tout en tête. Si quelqu’un se penche sur la question, j’ai de la matière, haha. Par contre, des acteurs ? Hum, je n’en sais rien, tiens. Il faudrait me faire défiler des visages, des figures, leur faire lire des passages…
Pour la bande-son, je pense que je taperais dans tout ce que NIN a produit. Techniquement, rien que l’album
Ghosts
suffirait. Mais il faudrait ajouter un peu de sang et de cris, je choisirais des morceaux comme "The Great Below", "Somewhat Damaged", "The Line Begins to Blur", "Sunspots" pour leurs ambiances, n’importe quel titre de
Broken
ou de
The Downward Spiral
pour le côté taré et sulfureux, genre : "The Downward Spiral" pour les rêves éveillés de Carl, ça serait excellent. "We’re In This Together" et "And All That Could Have Been" seraient parfaites pour le générique de fin. Le taf de A Perfect Circle passerait bien aussi – que ce soit "Passive" pour le film
Constantine
, ou "The Outsider" pour
Resident Evil
, j’avais trouvé ça malin. D’ailleurs, le timbre De Maynard James Keenan a ce truc sensuel-écorché-mélancolique qui collerait tout à fait à mon histoire.
Pour le réalisateur ? Un Fincher époque
Seven
, ou un Mathieu Kassovitz, tiens. Pour les nerfs.
Winter : Peux tu nous parler de Carl, de ses problèmes et de son univers ?
Cédric
: Haha, t’as deux plombes (bis) ? Hum. Si on est terre-à-terre, sa fille et sa femme se sont fait bousiller par un malade. Carl a d’abord été accusé mais il se trouve qu’au moment où les filles se faisaient découper, il se trouvait dans le sous-sol de sa baraque fixé au sol par deux clous de neuf pouces (Nine Inch Nails, tu vois l’astuce) dans chaque paume. Lorsque le lecteur le récupère, il cuve sa vie en transe, entre le manque de cocaïne et d’héroïne et ce qu’il pense d’abord être des hallucinations récurrentes. L’élément fantastique entre en jeu sans qu’il soit capable de le caractériser, vu qu’il est tout le temps bourré et cachetonné. Une fois qu’on entre davantage dans sa tête et dans son monde, on le découvrira nihiliste, misanthrope, vaguement malthusien et anticapitaliste. Mais je reconnais que l’histoire est avant tout centrée sur son nombril. Il s’est un peu imposé en pleureuse et mes doigts se sont attardés sur ses émotions et moins sur l’action pur jus ou la diatribe politique.
Winter : Es-tu Carl ?
Cédric
: Je l’ai été, oui. Je m’en suis détaché sur pas mal d’aspects, faut dire que j’ai accouché il y a dix ans maintenant. J’ai déjà régénéré une fois et demi mon stock de cellules, c’est cohérent que nos chemins s’éloignent.
Winter : Retournerais-tu vivre en Chine si tu en avais l’opportunité ?
Cédric
: Non. On a pas mal déménagé quand j’étais gosse, j’ai eu la chance de passer dans quelques pays – dont la Chine, effectivement – mais aujourd’hui je suis bien où je suis et puis, d’une certaine manière, j’ai envie de conjurer ce que j’appelle le syndrome de Manhattan : je suis allé à New York il y a quelques années, et j’avais la sensation de mieux connaître ses rues – à cause des films, des séries, des romans que j’ai ingurgité – que les bleds de ma région. Aujourd’hui, j’ai envie de rester dans mon pays, de le visiter, de le faire vivre, par mon argent, par ma culture. L’époque des visas et des bars d’expatriés, ça ne me donne plus du tout envie. En fait, c’est global, comme réflexion : je n’ai plus envie de voyager à l’étranger, le bilan carbone est catastrophique, on transforme des populations en marchands de souvenirs, on bousille la faune et la flore. Notre espèce n’a jamais autant voyagé et collectionné de photos de lieux emblématiques, je n’ai pas la sensation que ça l’a rendu plus heureuse. Rien qu’en France on vend dans les 120 millions de boîtes de benzodiazépines chaque année, haha. Enfin bref, c’est une de mes petites marottes…
Winter : Comment vis-tu le confinement ? Aura-t-il des répercussions sur ta manière d’écrire ?
Cédric
: Je le vis bien. Je l’avais vu arriver depuis début février sur Twitter, donc je m’étais préparé, j’avais anticipé l’achat de quelques boîtes de conserve, de pâtes, de sauces, de vin, de tabac, histoire de l’aborder sereinement avec des produits qui font plaisir. Aujourd’hui (27/03/20), ça fait dix jours que je n’ai croisé personne, je serai bientôt rassuré sur mon état. Le reste, c’est de la gestion de famille. Entre le boulot et le reste, je n’ai pas écrit une ligne en une semaine et demie, haha. Ça va se tasser, j’écris des trucs dans ma tête, je fais de l’introspection, je réfléchis à la suite… ce n’est pas du temps perdu quoi.
Winter : L’espèce humaine est-elle récupérable ?
Cédric
: Hum. Je ne suis pas inquiet quant à notre survie. Notre espèce est ubiquiste, on est à Oïmiakon, où la température oscille entre -46 et 15°C, on est à La Rinconada, à plus de 5km d’altitude… l’Humanité est une vraie saloperie, haha, elle s’adapte et elle continuera, moins dense probablement, à cause de l’évolution du climat, de la dégradation de l’environnement, de la géopolitique… le tableau à venir ne donne pas envie. Et malgré tout – ce sont des faits, l’information est à disposition – nous ne faisons pas face à ces problématiques, on reste dans nos modèles comme des lapins dans les phares d’une bagnole. T’as qu’à voir avec le Covid : les échanges mondiaux ralentissent, la consommation va à court terme se nationaliser, ce que j’estime être deux points positifs par exemple. Alors je pourrais me dire « chic, ça va peut-être enclencher quelque chose de bien, que ce soit au niveau des populations ou des dirigeants », et ensuite je lis des papiers d’économistes, de professionnels de l’énergie, d’historiens, et j’ai de nouveau envie de me flinguer. Quand un mec comme François Gemenne – spécialiste des questions de géopolitique de l’environnement – mise déjà sur une relance par le fossile pour la crise que nous vivons, c’est à se tuer. Et ça va passer, le Canada, les Etats-Unis, l’Europe, ça se profile, ça risque d’être pire que fin 2019, on va bouffer davantage de greenwashing mais dans les faits : ça ne changera pas. Voire même ça va s’empirer…
Winter : Qu’y-a-t-il après la mort ?
Cédric
: Là-dessus, j’ai une posture de matérialiste, après la mort, la lumière reste éteinte.
Winter : Quand va-t-on pouvoir lire la suite de
Je Suis Celui Qui Suis
?
Cédric
: Le deuxième tome devait sortir en avril mais j’ai merdé sur mes corrections alors on a replanifié à juin. Finalement, c’est finement joué. Je devrais dire que mon éditeur avait anticipé le Covid, haha.
Winter : Je sais que tu as produit d’autres écrits, pourrons-nous les lire un jour ?
Cédric
: Je l’espère ! Mais ce n’est pas parce qu’on a un éditeur qu’on peut tout sortir… donc, par exemple, j’ai un manuscrit (
Les Enfants de Saturne
), qui est prêt à 80%, et il est en soumission chez Livresque. J’attends le feu vert. Cette histoire, c’est nous dans 30 piges si nous continuons, toujours avec un petit élément fantastique parce que j’aime ça. Mais c’est dosé, disons, finement, de manière à ce que l’on doute toujours de l’état de santé mentale du personnage principal. Par contre, c’est une histoire crue, violente, sans concession. J’espère vraiment pouvoir la présenter avant que notre quotidien ne se dégrade, sinon on va dire que je n’ai fait que décrire au lieu d’imaginer… le mec souhaite la fin du monde pour vendre des bouquins, vous voyez ce que je veux dire. Après, j’ai deux projets dans la continuité de cette histoire, pas à proprement parler des suites mais ils se déroulent dans le même environnement. J’ai deux-trois autres sur le feu, je manque plus de temps que d’idées pour l’instant, bonnes ou mauvaises, haha.
Winter : Quels nouveaux auteurs nous conseilles-tu ?
Cédric
: Je ne suis personne en particulier, je suis contre le diktat de l’immédiateté, de l’instantané et de la mode. Pour te dire, les derniers bouquins que j’ai lu, c’était Dostoïevski, Nietzsche, Céline, Faulkner et Crichton. Rien de bien moderne, merde. Dans les trucs les plus contemporains que j’ai lu, il y avait l’excellent
Eté des Charognes
de Simon Johannin, mais tu vois : je l’ai lu avant V
ingt Milles Lieues sous les Mers
de Verne et après
L’Echiquier du Mal
de Simmons. Je pioche dans les époques !
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