Cosmic Camel Clash : Bon, on va commencer par une question simple. Ca va?.
Arno Strobl (chant) : Ca va, je vais bien dans ma vie... (rires, prend une voix à la con) «
je suis bien dans ma vie, bien dans mon corps »! Non, tout va bien... il se passe pas mal de choses pour moi ces temps-ci au niveau personnel et ça va bien, voilà. Entres autres j'ai déménagé : je ne suis plus en France, je suis en Belgique, je suis retourné d'où je venais... il n'y a aucun lien avec l'histoire Carnival mais ça se passe bien, je suis bien content.
Cosmic Camel Clash : C'est toujours bon à savoir... revenons à l'histoire Carnival maintenant. Si on se réfère à l'interview qu'Axel (Wursthorn, instruments et basse en live) et toi avez accordé au webzine Vs, il semble que le split soit dû à des divergences musicales pour toi et à un manque total de temps pour lui...
Arno : Mmmh... oui et non. Pour moi, les divergences musicales d'Axel ont toujours été là et elles ne nous ont jamais empêché de bosser. Effectivement, comme il le dit, si on avait pu prendre plus de temps entre deux disques peut-être qu'on aurait pu continuer... Là c'est vrai que le cinquième album – qui ne verra jamais le jour – était prévu beaucoup plus tôt que ça, presque fin 2006. Je ne vais pas dire que Carnival splitte du fait de la volonté d'Axel, mais c'est un peu ça. Bon c'est vrai que moi effectivement je vais bien, mais le split de Carnival est quelque chose qui va très très loin, et je n'avais pas du tout envie de ça, j'aurais préféré que ça continue. Donc effectivement il n'a plus le temps pour des raisons qui sont très très bonnes : c'est le choix qu'on est nombreux à devoir faire un jour où l'autre, faire un choix de passion ou un choix de raison. En l'occurence il n'a même pas eu à choisir : il a choisi la raison et en plus il n'y avait plus de passion, donc, euh... voilà.
Cosmic Camel Clash : Entre Fear Not et Collection Prestige, vous aviez déjà pris plusieurs années pour laisser reposer le processus créatif. Donc qu'est-ce qui vous empêche aujourd'hui de mettre le groupe en stand-by plutôt que de splitter définitivement?
Arno : Je crois qu'on se retrouve dans le même cas de figure qu'à l'époque qui a suivi
Fear Not, mais en plus grave. D'une part Axel a l'impression de ne plus avoir grand-chose à dire musicalement, en tous cas dans ce style : le métal ne l'intéresse plus, ça c'est clair et il le dit clairement. Je pense que lui aurait peut-être aimé faire évoluer Carnival vers autre chose, quelque chose de plus expérimental... et moi je tiens fermement à la dimension métal du groupe. Ca a toujours été le cas, et j'étéis beaucoup plus le « garant » des passages avec de la double grosse caisse, des voix death et black, alors que lui allait plus vers des choses soit franchement plus électroniques, soit plus pop, soit plus expérimentales. Et au bout d'un moment... ce qui peut parfois faire une recette riche quand deux personnes très différentes se mettent ensemble... l'alchimie peut fonctionner un bon moment mais il ne faut pas que les différences deviennent éliminatoires et qu'on en arrive à un point où... nous n'avons jamais fait ça dans le conflit, nous n'allions pas commencer, quoi. Il y a ça d'une part, et d'autre part il y a aussi cette histoire de concerts qui a changé pas mal de choses. L'an dernier, quand nous avons commencé à faire du live, nous nous sommes entourés de musiciens qui ont l'habitude du live, qui ont leur place sur scène, qui aiment ça, etc. Moi c'est pareil, c'est quelque chose que j'adore, je me sens vraiment dans mon élément. Axel, tout ce qu'il aime dans les concerts, c'est le concert. Mais bon évidemment quand on part à l'autre bout de la France pour faire un concert qui va durer une heure, ça représente un week-end entier de déplacements, d'attente, d'hôtels de type Formule Un, de bouffe pas toujours géniale, et voilà. C'est le côté rock 'n roll tel qu'on peut le percevoir et moi ça m'éclate, ça me fait marrer et c'est quelque chose dont je m'accomode très bien... Axel pas du tout. Donc ça commençait à faire beaucoup de divergences d'opinion ; ce ne sont même pas des désaccords car nous ne sommes pas en désaccord sur un point, seulement nous ne vivons pas les choses de la même façon, nous n'avons plus les mêmes goûts, plus les mêmes envies.
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Cosmic Camel Clash : Est-ce qu'à un moment vous avez évoqué l'éventualité de redevenir un groupe de studio? Pour toi ce n'était pas possible?
Arno : Oh, c'est pas que ce n'était pas possible, c'est que de toutes façons on retombe sur cette fameuse histoire de temps. Axel n'a pas le temps d'écrire un album, ni de fermer son studio pour pouvoir l'enregistrer : il ne peut pas mettre son gagne-pain entre parenthèses pour Carnival, sachant que comme il l'a très bien expliqué dans son interview à VS, Carnival n'est pas quelque chose qui nous rapporte de l'argent. Ca représente trop de travail pour faire un truc correct par rapport au temps qu'il n'a pas. Donc nous nous serions encore une fois heurtés au mêmes problèmes de temps et de choix de direction musicale. |
Cosmic Camel Clash : Penses-tu que lors de cette année de live avec Carnival vous avez eu le temps de donner votre pleine mesure?
Arno : Evidemment pas, dans le sens où nous avons dû faire entre dix et douze concerts, et pas vraiment de tournée. Un groupe qui donne sa pleine mesure est un groupe rodé, et nous n'avons jamais été rodé vu qu'il s'agissait de concerts sporadiques que nous donnions à droite à gauche, une fois de temps en temps. Même si nous avons eu un ou deux concerts très rapprochés ou si nous avons joué deux fois de suite, comme ça nous est arrivé dans le sud de la France. Nous n'avons pas été au bout de ce que nous pouvions faire, en plus nous avons changé de line-up durant l'année. Le dernier line-up en date était vraiment top, et je pense qu'en bossant bien, en faisant une tournée ou au moins pas mal de concerts d'affilée, là ça aurait pu vraiment donner quelque chose de terrible. Mais bon, non, nous n'avons jamais donné pleinement la mesure de ce que nous aurion pu faire et c'est un peu frustrant, mais je pense que nous nous en sommes pas trop mal sortis vu le peu de répétitions. Il faut quand même voir que nous avons très très peu répété. Le premier concert que nous avons donné, je crois qu'il n'y avait pas eu une seule répète tous ensemble, ça s'était fait « par ateliers ». Je trouve que nous nous en sommes toujours pas mal tirés avec le peu de moyens et de temps que nous avions à apporter au groupe.
Cosmic Camel Clash : Et avez-vous enregistré des bandes, du matériel exploitable pour un éventuel album live?
Arno : La majorité des concerts a été enregistrée, il y a pas mal de trucs qui ont été filmés aussi, certains en qualité très amateur mais d'autres en multi-caméra. Il y a plein de matière, mais malheureusement il y a un gros problème pas rapport à ça : comme tu l'as remarqué, il y avait pas mal de morceaux extraits de
Collection Prestige, et ces morceaux appartiennent toujours à Earache. Donc nous l'avons grave dans le cul si nous voulons exploiter ces morceaux-là. Les seuls morceaux qui sont en notre possession et que nous pouvons exploiter de ce qui a été enregistré, aussi bien en vidéo qu'en audio, ce sont des morceaux soit de
Fear Not soit de
Vivalavida. Ca fait donc trop peu de matière pour en faire quelque chose de correct.
Cosmic Camel Clash : Pour revenir à cette histoire avec Earache : étant donné que le label a rompu votre contrat sans même vous prévenir et qu'ils détiennent vos morceaux, avez-vous envisage une action en justice à un moment donné?
Arno : Euh... non. C'était presque un soulagement quand ils nous ont virés, parce que nous avons vu ce qu'ils ont fait pour
Collection Prestige, c'est à dire que dalle. Et voilà : même nous nous étions assez catastrophés d'être signés sur un label qui n'en avait rien à foutre de nous, et de nous retrouver dans un placard en fait. Nous étions plutôt content qu'ils nous libèrent de notre contrat, mais le seul truc... je ne peux pas trop trop en parler, mais la personne qui s'occupe de nos droits examine ça au peigne fin pour être sûre que nous n'avons pas été soplliés de nos droits parce que je ne pense pas qu'ils soit très très réglos (rires), en tous cas ils ne l'ont pas toujours été. Nous voulons surtout nous assurer qu'il n'y ait pas de pognon qui doivent nous revenir et qui reste dans les caisses anglaises, et ça effectivement nous allons vérifier. En ce qui concerne les droits sur les morceaux de
Collection Prestige, de toutes façons à partir du moment où nous avions signés avec eux pour cet album-là c'est dans le contrat : les morceaux leur appartiennent pour une cinquantaine d'années. Ca malheureusement nous ne pouvons rien faire contre, et Earache n'est pas du genre à rétrocéder des droits même s'il n'en ont rien à foutre du groupe. Ils préfèrent que ça dorme dans un tiroir plutôt que de savoir que la concurrence peut l'exploiter ou que les droits soient rachetés par un autre label qui en fasse quelque chose. La preuve d'ailleurs c'est qu'ils continuent à sortir des tas de trucs de Napalm Death datant de l'époque où ils étaient chez eux, et si tu demandes aux membres du groupes il seront les premiers à te dire que l'exploitation de leur back-catalogue par Earache c'est quelque chose qui leur va très, très loin (rires)!!
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Cosmic Camel Clash : Tu as déjà déclaré que tu pensais continuer dans le métal extrême, et que tu n'allais pas copier le style Carnival. Si tu t'orientes dans cette direction, est-ce que tu vas continuer à écrire des textes complètement cons?
Arno : (rires) Ben ça je pense que de toutes façons je l'ai un peu dans la peau. Je vais pas me mettre à raconter des histoires de serial-killer ou tomber dans le gore... je ne pense pas car ça ne m'a jamais éclaté, même chez les groupes que j'écoute et que j'aime ce n'est pas ça qui me plaît. Ca risque plus d'être des textes assez personnel mais toujours tournés plus ou moins sur le ton de l'humour.Bon, je doute fort que je retombe dans l'humour pur et dur comme j'ai pu le faire dans Carnival, mais je pense que ce sera des textes plus imagés, plus personnels ... mais j'écrirai toujours avec mon style, car de toutes façons c'est mon style (rires). |
Cosmic Camel Clash : La première fois que je t'ai interviewé pour la promo de Collection Prestige, tu m'avais demandé de ne pas mentionner le fait que tu étais aussi journaliste à Hard 'N Heavy sous le pseudo de Charlélie Arnaud. Or depuis, tu l'as mentionné sur ta page myspace... tu ne maintiens plus cette info secrète?
Arno : Ben non, je ne la maintiens plus secrète et ça fait déjà un moment que ça figure sur ma page myspace parce que ce n'était ni la page myspace du chanteur de Carnival ni celle du journaliste à Hard 'N Heavy, c'était juste la page myspace d'Arno Strobl quoi. J'avais juste envie de dire «
je suis ça et ça, et je fais ça dans la vie ». Mais j'y dis aussi que je suis passionné de design automobile, que j'aime la bonne bouffe et que je suis passionné de cuisine, tu vois (rires) ? Après c'est vrai que j'écrivais volontairement dans Hard 'N Heavy sous le pseudonyme de Charlélie Arnaud - et que d'ailleurs si j'ai l'occasion de le refaire dans la nouvelle formule avec la nouvelle équipe je le referai peut-être – c'est parce que je ne voulais pas mélanger les deux. Je me suis jamais servi de Hard 'N Heavy pour faire de la promo pour Carnival, mais je ne voulais pas que quelqu'un puisse un jour avoir l'idée. De toutes façons je pense que les gens qui étaient au courant ont dû avoir l'idée car on sait comment ça fonctionne et on est toujours le con de quelqu'un (rires). Mais voilà, j'avais envie de séparer les deux tout simplement, et après y'a pas de honte non plus. J'aurais pas été le premier membre d'un groupe à écrire dans une revue de métal ou de rock en général : Barney de Napalm Death a été journaliste en Angleterre pour Metal Hammer je crois, et même par le passé il y a eu d'autres personnes (parfois avec des pseudos) qui ont écrit dans des magazines français : Dirk de Scarve l'a fait à une époque, etc. C'était pas une première, mais en France c'est toujours très mal vu d'avoir une double casquette « musicien et autre chose », surtout si c'est dans le milieu de la musique (rires). Les gens ne s'imaginent pas qu'on puisse nous aussi avoir peut-être besoin de bouffer et donc d'avoir un job régulier (rires).
Cosmic Camel Clash : As-tu été contacté par des musiciens ou des groupes qui t'ont demandé de les rejoindre maintenant que tu es libre?
Arno : Non, pas pour le moment (rires), j'espère que ça m'arrivera, ne serait-ce que pour mon ego. Y'a juste eu la fameuse histoire avec Scarve qui finalement ne s'est pas faite, mais c'était avant la séparation de Carnival. Pour l'instant je n'ai pas été réquisitionné par un groupe connu... on me demande - comme on me demandait déjà avant – de faire des choeurs ou d'apparaître sur tel ou tel album mais ça s'arrête bien. | |
Cosmic Camel Clash : Ben tant que tu évoques cette histoire avec Scarve, qu'est-ce qui s'est passé ?
Arno : C'est très simple : j'ai été contacté une première fois par Pierrick (
Valence, chant death, parti depuis) quand Guillaume (
Bideau, chant clair) est parti rejoindre Mnemic. Il m'a appelé en me demandant si ça me plairait de rejoindre Scarve pour remplacer Guillaume. J'ai dit non car ma priorité était Carnival et il l'a bien compris. Ils avaient plusieurs dates de prévues dont certaines sur le No Mercy Festival, ce qui était assez important pour eux car ils étaient en pleine promo du nouvel album, et donc ils m'ont demandé si c'était possible de juste les dépanner sur ces dates-là, ce que j'ai accepté. C'était un accord de principe : j'ai toujours été fan de Scarve, je connais bien leurs morceaux et ça me faisait plaisir de le faire. Et puis en commençant à bosser les morceaux chez moi je me suis rendu compte que la tessiture de Guillaume était très différente de la mienne et que c'était beaucoup, beaucoup trop aigu pour moi. Je me suis quand même dit que peut-être en conditions live il y aurait moyen de faire quelque chose en modifiant les lignes de chant, etc. Je suis donc allé à Nancy faire une répète avec Scarve et je me suis rendu compte au bout du premier titre que c'était une catastrophe (rires). C'est là d'ailleurs que je me suis rendu compte qu'il y a une grande différence entre la musique qu'on aime et celle qu'on peut jouer, enfin chanter en l'occurrence. C'est pas du tout le même chose, et plutôt que de monter avec eux sur scène et faire de la merde... enfin voilà, Scarve mérite pas ça, c'est un groupe génial et il valait mieux qu'ils trouvent quelqu'un qui leur corresponde plus au niveau vocal. Donc voilà, on en a profité pour faire une énorme fête mais ça c'est arrêté là. D'ailleurs Guillaume était là aussi et on a fait la teuf avec tout Scarve, Guillaume, Pierrick et moi. Maintenant il n'y a plus Pierrick, il n'y a plus Guillaume, et moi je n'ai jamais vraiment fait partie du groupe ! Mais voilà, c'était quand même bien agréable de le faire.
| Cosmic Camel Clash : Bon, on arrive à la fin de l'interview, j'imagine que tu en donnes pas mal en ce moment...
Arno : Non, j'ai pas énormément non plus de demande d'interviews. Là j'en ai accepté une par mail, et je me retrouve encore avec des questions du type « mais d'où vous viennent ces influences formidables? » (rires). Ca je réponds pas ; j'ai rien à promouvoir, nous faisons une interview pour me demander de m'expliquer sur ce qui se passe dans Carnival en ce moment, donc je crois que le côté « ça vient d'où cette histoire des huîtres », voilà quoi (rires) !! Mais si tu as des questions qui ont de près ou de loin un rapport avec la fin du groupe y'a aucun problème. |
Cosmic Camel Clash : Après tout ce qui s'est passé, y'a-t-il un souvenir en particulier dont tu sais que tu vas l'emporter dans la tombe?
Arno : Oh, j'en ai plus d'un, bien sûr. Tu sais, ça a été vraiment une aventure géniale, j'ai plein de souvenirs. Je crois que rien n'arrivera à détrôner la fierté et la joie que j'ai ressenties le jour où
Vivalavida est sorti, car c'était le premier vrai disque - qu'on trouvait dans les magasins! - sur lequel je chantais, et ça c'est un souvenir que je garderai toute ma vie. Pis y'en a eu d'autres : le fait d'apprendre que des gens connus et que j'admire aimaient Carnival... et puis les concerts, l'accueil que nous avons eu quand nous avons donné notre premier concert, c'est quelque chose que je n'oublierai jamais de ma vie. Et même les suivants : la scène du Hellfest et l'accueil en République Tchèque, je ne risque pas de les oublier non plus. Et au-delà de tout ça, il y a l'aventure humaine que j'ai eu la chance de vivre avec Axel pendant dix-huit ans. Nous avons commencé à faire de la musique ensemble en 1989, avant Carnival nous étions déjà compositeurs et paroliers de nos deux groupes précédents... dix-huit ans à travailler avec quelqu'un ça ne s'oublie pas (rires).