Lucificum : Commençons avec le nouvel album : une fois de plus, après Solar Soul et Reign Of Light, la lumière est mise en avant. Cela semble être devenu un thème récurrent chez Samael ?
Vorph : Apparemment !
(rires) Mais il y a toujours des doubles sens. Nous, nous pensons bien sûr à la lumière de l’esprit. C’est un contrepied par rapport au titre de l’album qui est tiré des Évangiles qui prétendent apporter la lumière alors que je trouve que la religion, c’est plutôt l’obscurantisme.
Lucificum : C’est donc pour cela que la pochette est très sombre ?
Vorph : Elle est sombre, oui, mais… bon, l’originale sera noir brillant et noir mat, et je trouve que ce genre de contraste fait joliment jouer la lumière, justement. Donc même si c’est noir, c’est une couleur qui absorbe la lumière et qui la rend agréable à regarder.
Lucificum : Ça forme comme un contraste avec la pochette d’Above, qui est très lumineuse…
Vorph : La pochette d’
Above, c’est l’œuvre de Patrick Pidoux qui est aussi à l’origine de celle de
Lux Mundi, mais, c’était vraiment sa propre interprétation. Il a été en roue libre pour la faire. Alors que pour
Lux Mundi, nous en avions parlé avant, ces deux formes de noir…c’est quelque chose qui venait de notre part.
Lucificum : Le travail de cet album a été commencé en 2007, donc juste après Solar Soul…
Vorph :
(m’interrompt) C’est surtout Xy qui avait commencé à travailler sur des morceaux. Nous avions pas mal avancé, nous étions au début de l’année 2008, nous avions déjà quelques titres pas finis mais en bonne forme, et là nous avons fait une petite pause. Nous avions ce projet,
Above, qui est finalement devenu un album de Samael même si ça n’était pas prévu que ça se passe comme cela à la base. Nous avons fini ce projet, nous l’avons mixé, et le fait d’avoir décidé de le sortir sous Samael nous a donné plus de temps pour le finir.
Lucificum : Et si Above était sorti sous le nom d’un side project, aurait-il été envisagé que Lux Mundi sorte presque en même temps ?
Vorph : En même temps, non, car Above était prêt avant, et ça n’avait pas d’intérêt d’attendre pour le sortir. Ce qui nous a plu, quand Above était terminé – en tous cas en ce qui me concerne – c’est son énergie. Cet album n’est pas vraiment abouti, mais il a une énergie, quelque chose de brut, de très… (hésite) organique, moins pensé que ce que nous avions fait auparavant. Et cela, nous avons essayé de garder ce côté-là, d’avoir une approche un peu similaire sur les titres de Lux Mundi. Bien sûr, nous avons passé beaucoup plus de temps sur l’écriture, donc ça n’est pas vraiment comparable, mais nous avons justement évité de surfaire. D’ailleurs, le choix de mixer cet album avec Russ Russell a participé de cette démarche. Nous ne voulions pas, cette fois, avoir un son trop clinique, trop cristal, quelque chose de plus massif…(hésite) pas quelque chose de sale, mais plus lourd, ressemblant d’avantage à notre son live qu’au son que nous avions sur Solar Soul et Reign Of Light. Que j’aime toujours beaucoup, mais ça n’est pas comme cela que nous sonnons quand nous jouons en concert. |
|
Lucificum : « Above est le chainon manquant entre Ceremony of Opposites et Passage » (citation de Vorph), j’ai plutôt l’impression que Lux Mundi pourrait avoir ce rôle (même si je dirais plutôt entre Passage et Eternal)…Il y a par exemple cette chanson, "Mother Night" qui me fait beaucoup penser à "Together"…
Vorph : Oui, c’est vrai, ce sont toutes les deux des sortes de ballades. Toutefois, je la trouve beaucoup plus heavy que "Together", qui est peut être… un peu trop bateau. C’est un morceau que nous avions joué à l’époque, que j’aimais assez bien, mais je m’en suis un peu lassé. Je trouve "Mother Night" plus intéressant, techniquement, car elle développe quelque chose avant de revenir sur le refrain. Nous sommes toujours dans la ballade mais nous partons à un moment sur quelque chose de plus puissant…
|
Lucificum : On retrouve un peu de blast sur "The Truth"…
Vorph : Oui, c’est juste sur un morceau. Si nous n’avions pas fait Above, je ne pense pas que nous aurions fait un morceau comme celui-ci sur l’album…donc tu vois, il y a quand même des scories qui restent, et je trouve ça bien. C’est différent…nous avons toujours eu des morceaux rapides, mais rien d’aussi radical. Quoique ce morceau en lui-même, il ne reste pas tout le temps là-dessus…
Lucificum : Cela fait partie intégrante des options de composition pour Samael ? Samael a adopté le blast, mais sans en mettre partout ?
Vorph : Non, sans en mettre partout ! Là, nous trouvions cela intéressant, surtout de l’avoir mis en fin d’album, nous pensions que cela ferait une surprise supplémentaire. Bon, c’est sûr qu’avec Above, la surprise est un peu émoussée (rires)… Bon, c’est vrai que d’habitude, la fin de nos albums ce sont souvent des morceaux assez lents et lourds, même si je ne peux pas te donner d’exemple de tête comme ça, donc là nous voulions finir sur quelque chose d’un peu plus agressif…
Lucificum : Je n’ai pas eu accès aux paroles, donc peux-tu me dire quels sont les grands thèmes que tu traites ici, et que tu ne traitais peut être pas auparavant ? |
Vorph : Je ne sais pas s’il y a des choses complètement nouvelles… il y a peut-être une ou deux choses davantage tournées vers des faits de société, même s’il y a avait déjà le morceau "Slavocracy", sur
Solar Soul. Et encore, je ne dirai même pas qu’il s’agit d’un titre entier, ce sont des touches ici et là. Deux morceaux traitent du thème de la religion, "Antigod" et "The Shadow of the Sword". C’est un thème que nous avions un peu abandonné, car autant nous étions très révoltés lorsque nous étions plus jeunes, mais nous étions un peu passés à autre chose. Mais j’ai l’impression qu’il y a comme un retour de ces soi-disant « vraies valeurs », et ce sont des mots que je n’aime pas du tout. Quand j’entends à la radio, ou que je lis dans les journaux, que ça soit des politiciens, ou même des sportifs, des personnalités publiques…qui parlent des « vraies valeurs » chrétiennes, par exemple, ça me donne envie de sortir de moi. C’est sans doute cela qui a imposé ces deux morceaux. Il y a le titre "Of War", qui parle bien sûr de la guerre…
Lucificum : Et un titre comme "Let My People Be", c’est une allusion biblique ou cela s’applique à quelque chose de plus récent ?
Vorph : Alors, le titre lui-même, oui : c’est un détournement. Il y en a plusieurs sur cet album. Par exemple «
The Truth Is Marching On » en est un, c’est tiré du morceau gospel "His Truth Is Marching On". Pour en revenir à ce morceau…je ne dirais pas qu’il s’agit d’une position politique, mais plutôt de trouver un chemin entre l’ordre et le désordre. Je ne suis pas fan du désordre, mais l’ordre me répugne aussi, c’est un peu la recherche du juste milieu.
Lucificum : Donc malgré le fait que le discours de Samael ait beaucoup changé avec le temps, il y a toujours en vous cette rébellion, qui s’exprime sans doute de manière un peu plus subtile que par le passé ?
Vorph : Eh bien…disons que nous avons une espérance de vie qui a beaucoup changé par rapport à ce que nous connaissions à l’époque. Si l’on reprend nos premiers albums, beaucoup de textes était inspirés par des références littéraires mais pas par du vécu. Là, nous avons un peu plus de vécu, donc dans notre vie de tous les jours, que ça soit personnellement ou à travers notre entourage, nous voyons des gens confrontés à certaines choses qui nous parlent et qui nous donnent envie d’écrire quelque chose.
Lucificum : Puisque l’on parle de vos jeunes années, vous retrouvez-vous encore sous les pseudonymes de Xytraguptor et Vorphalack, choisis voici maintenant a peu près 20 ans ?
Vorph : Nous ne nous posons pas vraiment la question. Ça n’a jamais été des noms qui veulent dire quelque chose. En ce qui me concerne, j’aimais bien les sonorités, et c’est toujours le cas. Personne ne m’appelle Vorphalack, tout le monde m’appelle Vorph, y compris ma famille. |
|
Lucificum : La collaboration entamée avec Reign Of Light avec Nuclear Blast se passe-t-elle toujours bien ?
Vorph : Oui ! Je ne pense pas qu’un label parfait existe, mais ils sont très bien. Nous avons eu d’autres expériences, donc nous avons des points de comparaison. Après, c’est une industrie…et c’est vrai qu’ils ont pas mal de sorties chaque mois, il y a donc une période dédiée à la promotion de ton album dont il faut profiter au maximum car le mois suivant, on passe à autre chose. C’est donc différent si tu es sur un label un peu plus indépendant. Et même si Nuclear Blast ont toujours le terme d’indépendant, ils sont quand même affiliés à la Warner. Donc c’est une grosse structure, et ça fonctionne pour nous. En Europe c’est très bien, et aux États-Unis, l’album sortira chez Season Of Mist, et là c’est vrai que c’est une autre manière de travailler. Nous connaissons Michael Berberian (NDLR : directeur de Season Of Mist) depuis toujours, et je trouve de toute façon qu’il est assez sain de travailler avec différents labels. En Suisse, nous avons notre propre label, nous passons juste par une distribution, cela nous permet de ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier.
Lucificum : Il y a quelque chose de pas courant dans le métal mais que Samael semble vouloir faire de temps en temps, à savoir sortir un EP précédant la sortie de l’album. C’est la volonté d’un label, ou bien vous êtes convaincu de la pertinence du procédé ?
Vorph : C’est vrai, nous avions déjà fait deux mini-albums. Nous avions fait
Rebellion, qui est en fait le seul mini-album que nous avons fait, c'est-à-dire que nous étions retournés en studio pour enregistrer ce mini. Nous voulions continuer à tourner, pas à nous remettre sur l’écriture d’un album complet, donc nous avons mis en lumière un titre, nous avons fait une reprise…
Exodus, c’était une volonté du label.
Rebellion avait bien fonctionné, donc ils nous ont demandé d’avoir plus de titres pour
Passage qui sortiraient un peu plus tard sous la forme d’un mini-album. Cette fois c’était différent, c’était juste un single, il n’était pas prévu que nous fassions un mini-album, et d’ailleurs, si les choses ont bien été faites, il devrait être vendu au prix d’un single. À la base, nous souhaitions juste vendre le titre "Antigod" en download, vu que nous l’avions déjà joué lors d’une tournée en Europe. Nuclear Blast nous a proposé de faire un single. Nous devions faire une reprise, nous avons finalement ré-enregistré une version d’"Into the Pentagram", qui est en fait la version telle que nous la jouons en concert, différente de celle de 95 qui était encore avec de la batterie. Ils nous ont également demandé un remix, nous voulions mettre un morceau live, et de fil en aiguille nous avons eu 6 titres. Du coup ils ont été d’accord pour le sortir en CD, car au début il ne devait y avoir qu’une version 2 titres en single et une version 3 titres pour le téléchargement ; et finalement tout est sorti sur support physique. Notre vraie idée n’était pas de faire un mini-album mais de sortir un titre avant l’album.
|
Lucificum : Puisque nous parlons de ce mini, il y a dessus "Ten Thousand Years" qui est une version symphonique de "For a Thousand Years", présent sur l’album Lux Mundi…
Vorph : Oui, c’est le même morceau, mais juste les arrangements claviers. Lorsque l’on ajoute la batterie, la guitare et la voix, ils se perdent un peu dans la masse, du coup, là il n’y a que les claviers.
Lucificum : Vous pensez renouveler ce genre d’expérience, comme cela avait été fait par Xytras pour l’album Passage ?
Vorph : Xy adore faire ce genre de choses, mais là il n’a pas beaucoup de temps. En ce moment, nous faisons de la promotion, puis nous tournons au mois de Septembre…je sais qu’à un moment donné, il voulait faire des remixes pour Reign Of Light, ce qu’il n’a pas fait, puis il voulait le faire pour Solar Soul…Peut être qu’un jour il va faire une sélection, je ne sais pas. Je sais juste que cela lui tient à cœur, et qu’il aime le faire, mais l’occasion ne s’est en tous cas pas représentée. |
Lucificum : Et plus généralement, avez-vous des projets extra-Samael ?
Vorph : Non. Là, nous sommes assez pris par la sortie de
Lux Mundi, dont nous nous réjouissons. Notre guitariste Mak a toujours son autre groupe, Sludge, et je crois qu’ils bossent sur un nouvel album, mais à part ça, non. Samael est notre priorité et nous prend tout notre temps.
Lucificum : Quelle vision avez-vous sur vos fans, qui ont été plus d’une fois déboussolés par Samael : entre Era One, Above, Xytras… et qui ont parfois un peu de mal à vous suivre ?
Vorph : Moui… mais nous ne nous sommes jamais dit que nous allions répéter ce que nous avions fait pour rassurer les gens…
(réfléchit) Il y a un juste milieu entre le divertissement et l’art, et nous savons que nous sommes aussi des « entertainers ». Nous faisons des concerts pour que les gens s’amusent, qu’ils aient du bon temps, mais nous essayons aussi de faire des choses qui nous tiennent à cœur. Ça n’est pas juste pour faire la fête. C’est cette balance que nous essayons d’avoir, au-delà de ça…nous ne nous posons pas vraiment la question de ce que les gens attendent de nous.
Lucificum : Et justement, quelle est d’après toi la différence entre le Samael de disque et le Samael de scène ?
Vorph : Sur scène, c’est plus instinctif. Nos morceaux sont faits, il n’y a pas de création, nous sommes juste dans l’énergie, il y a un côté plus physique. C’est vrai que la vraie raison pour laquelle j’ai commencé à jouer, c’était pour jouer sur scène et c’est vrai que plus tard que j’ai commencé à apprécier le travail de création. Ce sont deux choses, non pas opposées, mais vraiment différentes.
Lucificum : Nous allons finir l’interview…comme il est de coutume chez Les Éternels, je vais te laisser la parole, si tu as des choses à ajouter…
Vorph : Il me semble que l’on a un peu fait le tour…je t’ai parlé de la tournée de Septembre ?
Lucificum : Oui, mais si tu peux en dire plus, car je n’ai pas d’infos à ce niveau là…
Vorph : Eh bien nous n’avons pas beaucoup plus d’infos !
(rires) Elle est en train de se booker en ce moment, je pense que d’ici deux semaines nous allons connaitre les groupes avec lesquels nous allons jouer, et début avril nous aurons les dates définitives. Nous aimerions les avoir avant la sortie de l’album. Nous essaierons de faire plus d’une date en France, car il y a des endroits ou nous n’avons pas joué depuis longtemps. Par exemple, nous n’avons pas joué à Marseille depuis 15 ans, je crois…en tous cas, nous tâcherons de faire les choses comme il faut !