Cosmic Camel Clash : La dernière fois que nous avons parlé (interview ici), Century Media assurait la promotion de l'album alors que vous étiez signés chez Roadrunner. Tu m'avais expliqué alors que ce deal était nécessaire car Roadrunner ne vous accordait pas assez d'attention. Aujourd'hui vous êtes signés chez Century Media pour de bon... Roadrunner vous a libérés de leur contrat ?
Eyal Levi : Oui, nous leur avons demandé de le faire et ils ont eu la gentillesse d'accepter. Nous n'avions pas de problème particulier avec eux en tant que label, mais nous avions besoin d'une maison de disques plus investie dans notre projet. Nous ne leur rapportions pas énormément de toutes façons, donc nous avons proposé une solution qui serait meilleure pour tout le monde. Et ils ont été vraiment cool de nous laisser partir, dans ce sens ils nous ont très bien traités. Ils auraient pu rendre tout ça très compliqué mais ils ne l'ont pas fait.
Cosmic Camel Clash : Century Media était un choix évident ?
Eyal Levi : Oui. C'était notre premier choix vu que nous avions déjà établi une très bonne relation avec eux. Tu sais, à chaque fois qu'on change de label il faut recréer une relation avec le staff, établir de nouvelles habitudes de travail... et là nous avions déjà tout ça. Ça fonctionnait déjà très bien, d'où ce choix.
Cosmic Camel Clash : Le nouvel album s'appelle simplement Daath. Il semble que tous les groupes ou presque finissent par sortir un album sans titre, et à chaque fois ils ont une bonne raison de le faire. Quelle était la vôtre ?
Eyal Levi : Mmh... c'est la première fois que nous avons pu faire un album selon nos propres termes, sans personne d'autre qui s'immisce et sans avoir à traiter de sujets en lesquels nous ne croyons pas (ndCCC : référence évidente à la mystique de la Kabbale mise en place par Mike Kameron quand il faisait partie du groupe). Juste 100% de Daath, sans interruption. Nous nous sommes dit qu'intituler l'album Daath serait la meilleure façon de symboliser que nous avons fait les choses complètement de la manière que nous le souhaitions. C'est notre album le plus honnête à ce jour, et ce titre est aussi une manière de dire « Voilà où nous en sommes aujourd'hui. ». | |
Cosmic Camel Clash : Un des premiers aspects qui frappe à l'écoute, c'est le choix de production. Les guitares sonnent beaucoup moins modernes que sur The Concealers, elles sont beaucoup plus crues, moins flashy. Qu'est-ce qui a motivé ce choix ?
Eyal Levi : Chacun de nos albums doit pouvoir tenir debout par lui-même, il doit avoir sa propre identité.
The Concealers était volontairement un album au son moderne où tout était parfaitement calé, avec un précision extrême. C'est le type de disque que nous voulions sortir à l'époque et nous en sommes très fiers. Cette fois-ci nous voulions capturer un esprit très cru et agressif, un peu comme si on combinait un album très brutal comme le premier Slipknot avec le feeling old-school et technique des vieux Megadeth, comme
Rust In Peace par exemple. Combiner cet aspect technique avec du thrash très cru est impossible avec un son moderne, ça n'aurait pas fonctionné. Nous avons du nous tourner vers un son plus sale pour pouvoir exprimer correctement ce type d'émotions... nous avions décidé très tôt que l'émotion devait être au premier plan sur le dernier album, d'où le choix de ce son de guitare. C'est un son plus sale, pour un album plus sale.
Cosmic Camel Clash : L'album n'est pas que sale, il est également très heavy et agressif... je pense que c'est votre album le plus extrême à ce jour. Que s'est-il passé durant le processus de composition ? Vous étiez en colère ou quoi ?
Eyal Levi : Mmhh... (
réfléchit) il y a plusieurs choses. Déjà je pense que notre époque, le fait de vivre en 2010... c'est vraiment une période de merde. L'état du monde est nocif pour tout le monde. En termes d'Histoire, nous vivons des temps très chaotiques : l'économie est dans un état déplorable, on nous répète sans cesse que la criminalité augmente, des menaces nucléaires existent un peu partout, la guerre contre le terrorisme continue, j'ai chopé la grippe A l'année dernière... il y a énormément de choses dans le monde qui le rendent gris et chaotique. Cet album est donc un produit de son époque, et en plus de ça au niveau personnel, tous les membres du groupes ont traversé des périodes difficiles. Il y a eu des problèmes financiers, des mortsde proches, des ruptures amoureuses, des accidents... beaucoup de situations vécues très négatives. Du coup, comme nous voulions réaliser un disque honnête avant tout, nous devions exprimer honnêtement tout ça.
Cosmic Camel Clash : T'imagines-tu sortir d'autres albums encore plus violents que celui-ci ? Avez-vous une limite en ce sens ?
Eyal Levi : Pas de limites, mais il ne s'agit pas de savoir à quel point nous pouvons être extrêmes. Il s'agit d'honnêteté. Si à l'avenir nous avons l'impression que la seule manière d'exprimer honnêtement ce que nous ressentons passe par une musique encore plus extrême, elle le deviendra... et si nous ressentons le contraire, elle sera moins violente. C'est juste que... tu sais, je ne sais pas à quel point nous en serons d'ici un an ou deux, personne ne peut le prédire à l'avance. Ce sera une question qui émergera la prochaine fois que nous écrirons un album.
| Cosmic Camel Clash : L'autre grosse claque de cet album concerne le chant : Sean Z est devenu d'un seul coup un des meilleurs hurleurs de la scène, son travail sur l'album est étourdissant (Eyal me remercie). Sa manière d'exprimer sa rage dans chaque phrase vient-elle du fait qu'il a pu écrire ses paroles cette fois-ci ? Quelle importance ont ses textes pour lui, et que signifient-ils en général ?
Eyal Levi : Les paroles ont effectivement été écrites par Sean à 100%, et c'est une des grosses différences entre cet album et celui d'avant. Sur The Concealers ses paroles étaient centrées autour du concept de l'arbre de vie et quelqu'un l'avait aidé à écrire ses textes. Du coup il ne s'agissait pas totalement de ses propres émotions. Cette fois-ci nous nous sommes réunis tous les deux avant de commencer à écrire et nous avons discuté pour savoir de quoi l'album devait parler. Et nous sommes tombés d'accord sur l'idée qu'à l'image de la musique, les paroles devaient venir du cœur, des tripes. Elles devaient être aussi honnêtes et liées à la vie réelle autant que possible, même si ça signifiait parler de choses qui lui faisaient honte ou qu'il ne voulait pas que d'autres personnes apprennent... ça devait être honnête. Nous avons également évoqué le type de chant que nous aimions beaucoup chez d'autres groupes... une fois encore je vais évoquer le premier Slipknot : le chant te saute littéralement à la gueule, il jaillit de tes enceintes d'une manière que le death-metal ne propose généralement pas. Il y a tellement de puissance là-dedans, l'impression d'honnêteté est telle qu'on sent qu'il est impossible que ce soit le fruit d'un calcul ou d'une mise en scène. Du coup les paroles parlent toutes de Sean et de la manière dont il voit le monde. |
Cosmic Camel Clash : La dernière fois que je vous ai vus sur scène c'était à Paris, lors de la tournée avec Chimaira, Unearth et Throwdown (live-report ici) et l'absence totale de samples et de claviers avait donné un résultat étrange, notamment sur les chansons issues de The Hinderers. Ces titres n'étaient pas basés sur la guitare à l'époque, donc ils en sortaient totalement transformés... c'est comme ça que vous comptez procéder désormais ?
Eyal Levi : Alors sur cette tournée en particulier, tu n'as pas entendu de claviers car on nous avait volé une bonne partie de notre matos sur la route. Kevin (
Talley, batterie) joue généralement au click pour que les samples soient hyper calés, et là il n'avait même plus son click... impossible de jouer les samples. Pour les tournées futures nous avons désormais un claviériste / sampler sur scène pour assurer tout ça. A l'époque nous étions coincés et nous avons décidé de jouer les chansons uniquement à la guitare car nous devions bien faire quelque chose. Ça a fonctionné plutôt pas mal et nous pourrions décider de faire comme ça à l'avenir, mais nous préférons tout de même utiliser les boucles... dans une situation de crise nous avons fait du mieux que nous pouvions.
Cosmic Camel Clash : En parlant de tournée, vous étiez donc sur une affiche multiple lors de votre dernière tournée européenne. Quel est le statut actuel de Daath à ce niveau ? Pourriez-vous tourner en tête d'affiche ou est-il encore trop tôt pour ça ?
Eyal Levi : C'est trop tôt. Nous pourrions le faire j'imagine, mais je préfère tourner avec des groupes plus gros que nous pour l'instant car ça nous permet d'être exposés à un public plus nombreux. Je pense qu'il nous reste encore une certaine marge de progression avant de réaliser notre plein potentiel et de pouvoir tourner en tant que headliners. Pour le moment c'est plus intéressant que des gens puissent nous découvrir en live et se familiarisent avec notre répertoire... une fois que ce sera fait, nous serons prêts à tourner en tête d'affiche.
Cosmic Camel Clash : Et quel serait le groupe idéal de tête d'affiche pour vous ? Avec qui rêveriez-vous de tourner ?
Eyal Levi : Beaucoup de groupes, mec ! De toute évidence Metallica serait l'idéal, eux ou Slipknot, ou Tool... ce serait le mieux à mes yeux. N'importe quel groupe de métal plus gros que nous serait un bon plan. Tu sais, nous ne portons pas de jugement... nous pensons que notre style est réellement différent de ce que font les autres, et donc que nous serons à part sur l'affiche quelle que soit la tournée à laquelle nous participerons. Nous n'avons jamais été totalement intégrés lors de nos tournées précédentes, nous avons toujours été le groupe différent des autres dans le lot. Bref, nous pouvons tourner avec n'importe qui, nous nous en fichons du moment que ça donne un bon show et qu'on nous traite bien. | |
Cosmic Camel Clash : Fin d'interview traditionnelle : si tu veux rajouter quelque chose tu peux, mais tu n'es pas obligé.
Eyal Levi : Merci à toi de m'interviewer à nouveau, c'est toujours un plaisir de te parler. J'espère qu'on se recroisera la prochaine fois que nous jouerons à Paris. Concernant tes lecteurs, j'espère qu'ils jetteront une oreille sur le nouvel album et qu'il leur plaira. Et s'il ne leur plaît pas, qu'ils disent à tout le monde qu'ils l'ont détesté !
Crédit photos : Century Media Records