Gazus : Étant donné qu'il s'agit de la première interview du groupe sur le site, je vais devoir vous poser la question chiante : historique du groupe, parcours, etc...
Julien : C'est Ben qui est à la base du projet. Je l'ai rejoint en premier car il cherchait des musiciens et nous avons commencé à travailler seuls tous les deux pendant environ six mois. Ensuite... euh (
se tourne vers Ben) qui est-ce qui est arrivé en premier ?
Ben : Ben écoute, euh... Le bassiste qui n'est plus là.
Julien : Ah oui, donc nous avons eu un premier bassiste, puis Pierre est arrivé au chant, suivi de William, le second guitariste. Nous nous sommes donc formés courant 2007, ce devait être en septembre ou octobre. Nous avons commencé à pas mal composer puis avons sorti notre premier EP en février 2008, avant d'enchaîner pas mal de dates durant cette année, une soixantaine environ. Fin 2008 nous avons changé de bassiste pour accueillir Damien ici présent, étant donné qu'il y avait des problèmes de compatibilité avec l'autre bassiste. Nous avons enregistré l'album au mois de février et il sort ce mois-ci.
Gazus : Alors, Monsieur le nouveau bassiste, comment a été l'accueil ? Est-ce qu'ils étaient méchants ?
Damien : Ah non, pas du tout, j'avais bien bossé mes trucs donc ils n'avaient rien à dire ! (
rires) Ça s'est bien passé parce que d'une part j'aimais bien la musique, mais surtout que dans un groupe le côté humain prime. Dès la première répète ça allait bien, dès le premier concert, on m'a dit que je donnais l'impression d'être avec le groupe depuis un certain temps. Aucun souci, donc... comme un vieux couple. (
rires)
Gazus : Petite question bateau, étant donné que jusque là je n'ai pas encore pu écouter l'album, le temps de trouver des questions plus intéressantes, enfin j'espère... Dans quel style évoluez-vous, quelles sont vos inspirations, etc... J'en ai au moins pour deux bonnes heures avec ça ! (rires)
Julien : Niveau style, je ne sais pas trop comment qualifier la musique... Quelque chose entre de l'emo, du rock, du screamo, ce genre de chose... Niveau groupes, je suis plus sur quelque chose du genre Underoath, Norma Jean, bref des groupes un peu plus barrés, emocores et screamo.
Ben : Comme je n'ai pas entendu ce qu'il a dit, si ça se trouve je vais répéter exactement la même chose. (sourires) Plus sérieusement, la scène post-hardcore, Julien a donc dû citer Cult Of Luna, Isis... (Julien lui dit que non) Neurosis, Envy... Les quatre qui nous parlent vraiment et qui nous influencent un peu au niveau du développement et de la composition. En ce qui me concerne, Tool et Deftones, pour le coté aérien et puissant à la fois... Et pour la voix, aussi, même si Deftones ça n'est pas toujours... enfin sur album ça va ! Ensuite, la scène screamo : Norma Jean, Underoath, (à Julien) ça tu l'as dit je crois (approbation de l'intéressé)... Voilà, c'est assez efficace et avec de bons musiciens, un bon développement.
Damien : Personnellement, mes influences sont surtout Isis et Tool. J'aime bien Cult Of Luna, Neurosis ou tous les groupes apparentés, mais sur ce projet-là, c'est plutôt Isis qui m'influence. Après, j'écoute pas mal d'ambient, d'electro, de trucs qui n'ont rien à voir avec l'album, Mr.Bungle et tout ça... Cela dit, peut-être que pour le deuxième... (rires) Bon, ça va être dur... Plutôt Isis pour moi donc. | |
Gazus : Vous êtes pas chiants à faire des réponses courtes, vous... Comment s'est déroulé le processus d'écriture de l'album, ainsi que la phase d'enregistrement ?
Julien : Sans dire de connerie, Ben a apporté la plupart des compositions, à part "Voice" que nous avons composé à plusieurs. Sinon, c'est lui qui amène les riffs et nous greffons tout autour ce qui est batterie, arrangements de guitare et de basse, chant... Voilà donc le procédé d'écriture. Concernant l'enregistrement, nous l'avons fait dans deux studios différents. L'un s'appelle Penny Lane, il est à Paris, c'est un studio assez sympa car il dispose d'une grosse cabine de prise avec une bonne table. Toutes les prises instrus et les prises de chant clair ont été faites là. Pour ce qui est voix gueulées et mix, nous avons fait ça au studio Sainte Marthe...
Gazus : (le coupe) Avec Francis Caste ?
Julien : Non, pas avec Francis Caste, avec Guillaume Mauduit, son assistant, avec qui nous avons bossé sur la totalité de l'album, que ce soit à Penny Lane ou au studio Sainte Marthe. Nous avons fait le mix et le mastering avec lui.
Gazus : Les instruments ont été enregistrés séparément. Certains groupes de postcore, notamment Neurosis, enregistrent leurs albums en prise de son live avec Steve Albini en tant qu'ingénieur du son et qui surtout, capte l'énergie des musiciens. Est-ce que cette expérience vous tente ?
Ben : Avant l'album nous avions fait quelques pré-prods, justement au studio Sainte Marthe, en condition live, avec Guillaume, et nous étions assez contents du résultat, c'est vrai. Nous verrons pour le prochain album si nous fonctionnerons comme ça, mais nous avions trouvé que pour l'énergie dégagée, c'était assez intéressant. Si nous disposons de temps par la suite pour faire du nettoyage des prises et du mix, oui, pourquoi pas, ça peut être pas mal, notamment la part d'intensité, d'énergie qui est bien rendue.
Gazus : Encore une question bateau : dans le groupe, du chant clair, du chant beuglé. Quelle importance donnez-vous à cette dualité ?
Julien : Alors... Il y a de la dualité, effectivement... Disons que le chant beuglé apporte une grosse patate sur tout ce qui est riff soit vraiment groovy, soit vraiment lourd et intense au niveau musical. Après, le chant clair c'est vraiment fait pour casser...
Ben : Pour amener un peu plus de mélodie...
Julien : Et pour emmener ailleurs. Il faut dire que les parties claires sont souvent assez mélancoliques. Tu es sur une base gueulée vachement violente et d'un coup tu passes sur du clair... ça t'emmène ailleurs, quelque part, c'est beaucoup plus doux... Nous essayons donc de faire un mix comme ça, histoire d'avoir et de la douceur et de la violence... dans ce monde de brutes. (
rires)
Gazus : Est-ce que cette dualité se retrouve au niveau des textes ?
Ben : Ouais, il y a quelques textes où on trouve ça... Deux, en l'occurence. Voilà, c'est tout.
Gazus : Bon ben toujours au niveau des textes, quelles sont les thématiques que vous abordez ? L'univers que vous développez, car j'imagine que vous avez tout de même un univers... (le groupe se regarde et les regards se tournent vers Julien, qui doit donc prendre la parole)
Julien : Les textes parlent pas mal des troubles de l'être humain, que ce soit au niveau psychologique ou autre. Ça tourne donc beaucoup autour de ça...
Ben : Il y a beaucoup d'approches de la folie...
Julien : ... des troubles psychiques...
Ben : ... de la dualité, comme tu disais...
Julien : Il y a quelques autres textes dont un qui parle d'espoir et tout ce genre de choses. Mais c'est vrai que nous sommes très portés sur les troubles de l'être humain.
| Gazus : Je n'ai pas encore écouté l'album, d'où ma question naïve : pratiquez-vous la bonne vieille recette du couplet beuglé et du refrain chanté ? (rires)
Julien : C'est vrai qu'on pourrait penser ça mais personnellement je ne l'ai jamais vu comme ça. Parce que Ben fait chier avec tous ses riffs, il y en a trop ! Et moi je ne peux pas découper ça en couplets/refrains. Après, c'est vrai que nous aimons bien qu'il y ait une ritournelle en voix claire ou en voix saturée qui revienne, comme un gimmick...
Gazus : Un climax en particulier qui revient ?
Julien : Exactement. Mais par exemple, sur je ne sais plus quel morceau, le refrain n'est jamais le même au niveau de la mélodie... Ah oui c'est "Draw My Faith". Et Ben amène toujours des riffs qui font que ce n'est pas simple... Pas tant au niveau de la technique qu'au niveau des enchaînements... Il y a des ponts, des demi-ponts, avant d'arriver au refrain, etc. Je ne le vois donc pas les choses comme ça. |
Gazus : Un peu de franchouillardisme : que pensez-vous de la scène française, qui, notamment au niveau de la scène post-hardcore, il n'y a qu'à voir des groupes comme Hacride, connaît...
Julien : (
prend une voix maniérée) Un engouement !
Damien : (
l'imite) Un certain essor en ce moment !
Ben : Nous avons quelques potes qui évoluent dans cette scène là sur Paris comme HKY, pas mal de bons groupes... Après, Hacride... je vais écouter le dernier album en entier, de ce que j'ai entendu, ils vont vers un truc vraiment intéressant. Sinon je connais pas trop la scène postcore française. La scène suisse, ouais, où il y a des groupes excellents comme Kruger... Sinon, pour parler plus globalement de la scène française, il y a évidemment Gojira. Voilà. C'est tout.
Gazus : Tant qu'on parle de la France... Être musicien, dans un groupe de metal, n'est pas une chose particulièrement facile...
Ben : Être musicien tout court, même.
Gazus : Comment gérez-vous ce statut ingrat de musiciens inspirés et pourtant sans réelle reconnaissance du public ? (rires)
Damien : Tu n'as pas le choix, tu ne gagnes pas d'argent avec la musique. Faut pas rêver. Si tu veux gagner de l'argent, il faut faire de la soupe, passer à la radio, faire des hold-hups commerciaux ou je ne sais pas quoi. Avant j'étais dans Sin, nous étions chez Virgin, Universal et tout, ça ne m'a jamais payé mes pâtes. Ni la sauce qui va avec. Il ne faut pas de toutes façons faire de la musique, surtout dans le milieu metal, pour l'argent. Tu sais très bien que si tu veux subvenir à tes besoins, ce n'est pas ça qui va te nourrir. Tu fais ça par passion. Ce que je dis fais un peu cliché mais c'est la réalité... Déjà qu'avec un boulot, c'est pas toujours évident de vivre aujourd'hui, alors avec la musique en plus c'est pire. Ça n'aide pas, au contraire, c'est de l'argent que tu vas dépenser en plus pour te faire plaisir. C'est un sacrifice et à la fois un plaisir. Ça ne rapporte en tout cas pas d'argent. Il faut le dire.
Gazus : J'en conclus que les musiciens de metal français sont tous masochistes.
Ben : Généralement, les passions mènent à une certaine forme de masochisme. Tu pousses les choses jusqu'au bout, quitte à t'endetter, à perdre des choses... Qui peut lutter contre une réelle passion, en même temps ? C'est assez difficile, je pense, non ?
Julien : Aucun d'entre nous ne pourrait s'arrêter de faire de la musique, donc de toutes manières... C'est comme ça quoi.
Gazus : (après avoir réfléchi très fort à une question) Je ne vois pas sur ma brochure le label chez qui vous êtes signés. Mais sur quel label êtes-vous donc signés ? Comment les choses se sont-elles passées ? Comment les connexions se sont faites ?
Ben : C'est un tout nouveau label qui s'appelle Paral Music qui est situé en Belgique, qui est en fait un dérivé d'un ancien label qui s'appelle I For Us, qui était plutôt dédié au screamo et au hardcore oldschool, qui officie beaucoup en Belgique, Hollande, Allemagne et les pays du coin, et est moins connu en France. Nous avons eu ce contact, moi et Julien, du temps où nous jouions dans un groupe qui s'appellait Revive, qui était signé sur I For Us. Forcément, ça nous a offert des facilités avec le patron. Nous lui avons envoyé les pré-prods et il a accroché et nous a dit en gros « Si vous voulez, je vous signe.» Il voulait développer son nouveau projet et nous nous sommes dit « Bon ben, pourquoi pas ?» Sachant que derrière, c'est Season Of Mist qui s'occupe de la distribution, nous savons qu'il y aura quand même un peu de visibilité. C'est l'essentiel pour nous.
Julien : Ce qui est bien c'est que grâce à I For Us, ce mec a déjà un bon réseau, que ce soit au Bénélux, aux États-Unis, en Espagne, en Angleterre... Après c'est cool pour nous, comme c'est notre premier album, d'avoir un petit truc derrière qui est déjà structuré. | |
Gazus : Vous êtes donc distribués à l'étranger. J'ai d'ailleurs lu que vous aviez été diffusés à la radio aux États-Unis... Vous visez clairement l'international ?
Ben : Oui. Par rapport à ce que tu nous demandais tout à l'heure, c'est vrai qu'en France, si on veut espérer pouvoir un jour « en vivre », ou en tout cas arriver à ne faire que ça, il faut viser l'international, essayer de se développer à l'étranger. En France le problème est qu'il y a de plus en plus de salles qui ferment, donc pour jouer, ça devient assez compliqué, autant pour jouer que pour être rémunéré. C'est aussi pour ça que l'international nous intéresse et puis comme tout est chanté en anglais, de toutes façons, nous ne nous sommes fermés aucune porte par rapport à ça.
Gazus : Les musiciens crèvent la dalle, les salles de concert ferment de plus en plus, il y a aussi les studios d'enregistrement qui sont en crise, principalement les grosses structures qui sont de moins en moins nombreuses, mais parallèlement, on voit de plus en plus de petits studios qui se développent. Si vous aviez le choix, resteriez-vous dans des petites ou moyennes structures en France, comme par exemple The Arrs qui reste attaché à Francis Caste, ou bien iriez-vous à l'étranger pour enregistrer, comme je sais pas, Ross Robinson, par exemple, qui a invité My Own Private Alaska à enregistrer leur premier album chez lui, l'été dernier ?
Damien : Si un mec comme Robinson nous demande de faire un truc, si ça va dans le sens que nous désirons, pourquoi pas ? Il ne faut pas fermer les portes et ce n'est pas parce que c'est un gros producteur qu'il va nous faire de la soupe ou quelque chose du genre. En plus, j'estime que nous sommes assez ouverts, je m'intéresse pas mal à la production... Ça nous permet d'évoluer. Rien que là, pour l'enregistrement de l'album, Guillaume Mauduit nous a beaucoup aidé sur les chœurs, sur les arrangements, les harmonies. Chaque producteur peut être amené à faire un travail de ce genre. Steve Albini t'apportera le côté rock parce qu'il travaille avec son mètre et ses micros placés correctement... Ross Robinson, personnellement, je n'aime pas son travail, mais il ne faut pas pour autant le ranger dans une catégorie, sous prétexte qu'il y a une major derrière lui. Le boulot d'une major et d'un label indépendant c'est la même chose : c'est une question d'argent. En bref, quel que soit le producteur, il faut que ça aille dans le sens du groupe.
À suivre