L'entretien commence par un retour général sur les conditions d'enregistrement.
Nico : Nous avons commencé en novembre... nous avions prévu cinq semaines mais nous allons prendre des jours en plus pour retravailler le mix, car les cinq semaines nous ont juste suffi pour enregistrer l'album.
Francis Caste : Voilà, entre vigt-cinq et trente jours pour la durée globale.
Nico : Après il y avait toute la phase de recherche du son...
Francis Caste : Oh non...
Nico : Si si, c’est important... (
rires)
C’est vrai que pour cet album nous avons voulu une expérience plus brut, plus «
live» qu’un son studio, quelque chose, comment dire... plus massif, que ce soit le son de la batterie ou de la basse, tout cela est vraiment...
Francis Caste : En fait nous avons fait une sorte de mélange entre les deux premiers albums : le côté un peu plus métal du premier mais avec par exemple un chant un peu plus clair comme sur le deuxième... Nous avons voulu faire une sorte d’entre-deux en allant plus loin, comme par exemple pour les arrangements du chant, la recherche de mélodies pour ouvrir des brèches, des pistes, pour pouvoir faire des nuances un peu plus importantes dans les morceaux, tout simplement parce que ça s’y prête. Dans chaque album ils avaient un titre qui était chanté et gueulé, ce qui peut paraître aberrant sur cette album, où la part de chant mélodique est bien plus importante. Bon, les musiciens sont les mêmes, les compositions sont un peu plus «speed», ils sont dans une passe un peu plus thrash... (à cet instant, Jérôme, le bassiste du groupe débarque dans le studio)
Nico : Alors, Jérôme, pourquoi as-tu choisi cette basse plutôt qu’une autre ? (rires) Pour recentrer un peu, nous avons voulu faire une troisième expérience avec Francis, parce qu’il nous connaît par coeur : il sait où il va avec nous et inversement. Nous avons donc réussi à bien mixer toutes nos attentes. |  |
Francis Caste : C’était un peu un pari, étant donné que les groupes aiment bien changer d’ingé son.
Nico : Le truc avec Francis, c’est qu’il s’adapte à notre demande, du coup, c’est vrai que les trois albums ont un son bien différent et son expérience fait qu’il a son rôle à jouer au sein du groupe comme au sein de l’album.
Francis Caste : C’est pour cela que ça prend du temps, c’est un long processus. Nous nous échangeons les idées, ce n’est pas juste le simple fait d’enregistrer; il y a un gros travail d’arrangement qui est fait ici. Eux font leurs maquettes de leur côté puis nous travaillons tout ça ensemble pour y redonner un peu de couleur. En tout cas, cela m’a fait plaisir qu’ils fassent de nouveau appel à moi pour le troisième album, étant donné que je pensais qu’ils auraient, comme beaucoup de groupes, l’envie d’aller enregistrer à l’étranger ou quelque chose du genre, ce que font pas mal de groupes français. Et finalement... ils sont restés là.
 | Cosmic Camel Clash : Justement, Francis, par rapport à Trinité, je me rappelle que le conseil que tu avais donné au groupe était de lever un peu le pied par rapport à la technique étant donné qu’ils avaient tendance à en faire un peu trop. Est-ce qu’il y a eu des conseils de ta part qui sont revenus sur ce nouvel album, parce que tu les sentais partir dans une direction qui, d’après toi, ne convenait pas.
Francis : Mmmh, c’est bizarre étant donné que sur cet album là j’ai un peu pris le contrepied, j’ai fait un peu l’inverse. Je les ai poussés à faire des choses un peu plus techniques. Ce que j’ai senti en écouter les premiers morceaux, c’est qu’ils repartaient vers un côté un peu plus hardcore «de base», à la Hatebreed et tout, ce dont ils sont sortis, donc naturellement, il fallait les pousser vers quelque chose de plus technique. Par exemple sur les deux premiers albums, nous avons pas mal évincé la double pédale alors qu’il y avait à l’origine, nous avons simplifié les parties pour y mettre quelque chose de plus lourd, de plus groovy... Sur cet album, nous avons fait quelque
chose d’un peu plus froid, de plus technique avec plus de double pédale... |
Cosmic Camel Clash : (l’interrompt) Quelque chose d’un peu plus allemand... (rires)
Francis Caste : Un peu plus allemand, un peu plus triggé, tranchant... Nous avons cherché à être le plus possible en place, un peu plus froid donc, peut-être moins aéré que ne l’était
Trinité. C’est vrai que sur cet album, la batterie est plus naturelle, il y a une basse qui est assez vivante, mixée à l’avant, alors qu’en metal, elle est plus souvent en retrait, la batterie donc, n’est pas triggée... Là nous sommes devant quelque chose de plus metal, dans le son, donc, mais aussi dans l’esprit des morceaux. Je les ai donc poussés à aller plus loin dans certains aspects, comme par exemple sur les voix. C’est vrai qu’il y a encore quelques temps, les gens étaient choqués par les groupes qui passaient du chant clair au chant saturé, en général c’était assez pipiche, ces trucs au départ archi mélodiques puis tout d’un goût super violents...
Nico : Nous avons voulu faire respirer les titres avec la voix, mis à part avec les paroles qui ont aussi changé de thème, la voix claire apporte quelques choses de puissant par rapport aux parties qui la précèdent et qui la suivent. Le fait d’être attiré par une voix mélodique renforce le côté malsain et criard des couplets, ce que nous n’avions pas trop testés, à part quelques chansons.
Francis Caste : Ce sont des nuances...
Nico : Ouaip, ce sont ces nuances que nous avons pas mal travaillé sur cet album. Non pas pour vendre plus d’albums, surtout pour se faire plaisir. C’est vrai qu’à la base nous sommes plutôt bêtes et brutaux et nous ne laissons pas trop respirer la voix à ce niveau-là. Ici, nous avons pris le parti-pris de mettre de la voix claire.
Gazus : Et pourquoi toutes ces parties en voix claire sont-elles chantées en anglais ?
Nico : Je ne supporte pas le français chanté. C’est quelque chose qui... surtout, dans le métal où l’on fait plus attention aux paroles et plus trop à la mélodie lorsqu’il y a une voix criarde. Les paroles peuvent comprises, mais ça ne va pas me déranger plus que ça, tandis qu’avec une voix chanté, on fait trop attention aux mots...
Francis Caste : Et puis il y a ce côté universel de l’anglais, les mots, les mélodies, tout ça colle dans une espèce d’universalité.
Nico : Et puis on n’est pas bloqué avec le vocabulaire.
Francis Caste : En français, il y a d’abord le texte qui vient en premier lieu puis pour moi la musicalité du chant et le placement, tandis qu’en anglais, c’est plus esthétique qu’autre chose. |  |
Cosmic Camel Clash : À part sur "Ma Miséricorde", j’ai remarqué que la plupart du temps, quand tu passes en anglais, on a l’impression que le thème de la chanson change, comme si les paroles en anglais et celles en français ne parlaient pas de la même chose au sein d’une même chanson.
Nico : C’est le côté plus trash des refrains que nous avons voulu incorporer... pas non plus chanter l’amour... C’est vrai que nous avons gardé le même chant lexical, les mêmes termes, mais j’ai vraiment changé les thèmes des chansons...
Francis Caste : (
l’interrompt) C’est un peu comme s’il y avait une tierce personne... À un moment donné dans le morceau, cela ouvre une fenêtre, comme si tu te prenais un coup de soleil, il y a quelque chose de plus coloré, de plus sucré dans le morceau, comme si par exemple dans une chanson qui parle d’une personne, le chant en anglais représente la personne en question ou bien celle à qui il s’adresse ou qui va lui répondre, cela peut être interprété comme ça. L’avantage de l’anglais est que cette langue a quelque chose de métaphorique, on peut plus jouer avec les sons, les mots, sans que ce soit uniquement focalisé sur le sens comme en français, où tout est dans l’optique «
pleine gueule», du genre «
La misère c’est la misère, le pardon c’est le pardon et compagnie...»
Pablo (Metal Up Your Ass): En gros, avec le chant en anglais, vous avez décidé d’aérer un peu les chansons en leur sein même, plutôt que de faire des interludes, comme sur Trinité.
Francis Caste : C’est vrai, mais c’est aussi pour ajouter quelque chose en plus... des arrangements et plus produire le chant, voir ce qui était faisable sur notre musique.
Nico : Il y a pas mal de tests, en effet...
Francis Caste : Il faut dire aussi que j’accroche pas mal sur la voix de Nico, je l’entend chanter comme ça de droite à gauche... Parfois en studio, nous rigolons parce qu’il fait des petites mélodies derrière, il chante... C’est vrai que j’adore son timbre, du coup j’ai essayé de le pousser à expérimenter un peu plus son instrument. C’est vrai qu’on ne se rend pas toujours compte quand on est un peu focalisé sur son truc, que l’on peut explorer tout plein d’autres choses. Il y a plein de raisons qui justifient ce chant. Evidemment, si nous en parlons autant c’est qu’il y aura des divergences dessus au niveau des gens qui vont écouter. Du coup, cela plaira peut-être à un public plus large, mais peut-être pas, peut-être que les puristes ne vont pas aimer...
La suite dans 15 jours !
transcription : Gazus