Dupinguez : Votre dernier album, Tinnitus Sanctus, est sorti voilà deux mois.
Jens Ludwig : Oui, en Novembre
Dupinguez : Question classique, donc, pour commencer : comment a-t-il été reçu jusqu’à maintenant ?
Jens Ludwig : Très, très bien. Nous nous sentons vraiment bien par rapport à cet album. Les fans aiment l’album également car les réactions aux titres que nous jouons live sont très bonnes. C’est sur scène que l’on peut se rendre compte si les gens ont aimé l’album ou non. Il y a tant de gens qui écrivent tant d’articles sur le net qu’il est difficile de se faire une idée réaliste de l’impact d’un album. Mais sur scène, on peut rarement se tromper et les réactions ont été bonnes jusqu’à maintenant.
Dupinguez : Du coup, je suppose que vous en jouez de nombreux titres.
Jens Ludwig : Oui, 4 ou 5 il me semble. Sur 10 titres, si l’on compte la bonus track, cela fait un bon ratio. Mais c’est le Tinnitus Sanctus Tour ! Nous avons la chance d’avoir un public qui vient pour voir les nouveaux titres. Il y a des nombreux groupes qui ont des fans venant uniquement aux concerts pour voir jouer les gros classiques. C’est plutôt positif de voir des gens s’intéresser à ce que vous avez sorti dernièrement. Ces gens là passeront une bonne soirée ! |  |
Dupinguez : Ok. A propos de Tinnitus Sanctus, cet album est à mon avis la suite naturelle d’un processus d’évolution qui a débuté avec Hellfire Club et qui vous a vu évoluer d’un heavy speed mélodique assez classique vers un style plus hard/heavy, avec des titres très immédiats. Es-tu d’accord avec cette analyse ?
Jens Ludwig : Oui, tout à fait. En revanche, je ne suis pas d’accord avec le fait que cette évolution ait commencé avec
Hellfire Club. Pour moi, elle a commencé beaucoup plus tôt. En fait, nous n’avons pas volontairement changé de style. Après la sortie
Theater of Salvation, nous étions fichés comme un groupe typique de speed metal mélodique. Mais déjà après cet album, nous sentions que nous n’avions plus rien à rajouter de nouveau dans ce style. Nous avions déjà mis la double pédale, les titres rapides, les chœurs massifs, les passages orchestraux… Nous ne voulions pas réécrire les mêmes choses, mais plutôt nous améliorer et ajouter de nouveaux éléments à notre musique. Donc après
Theater of Salvation, nous recherchions déjà de nouvelles pistes intéressantes à explorer pour que cela reste intéressant pour nous.
Dupinguez : et pour les fans… ?
Jens Ludwig : Aussi, mais avant tout pour nous-mêmes. Nous voulons être honnête, jouer ce que nous aimons et c’est seulement ainsi que nous pouvons être à 100 pour 100 sur scène et en studio. C’est beaucoup plus important que de faire ce que les gens attendent que vous fassiez.
Dupinguez : Vos emplois du temps ont du être assez serrés ces dernières années. Vous avez sorti Rocket Ride, puis tourné pour Rocket Ride, puis Tobias s’est occupé de The Scarecrow, il y a eut la tournée pour The Scarecrow et seulement 3 mois après la fin de cette tournée, vous voilà déjà de retour avec un nouvel album, sachant que Tobias est votre principal compositeur et qu’il a été occupé avec Avantasia tout ce temps.
Jens Ludwig : En fait, nous avons commencé le processus de composition, de répétition et de production avant la tournée de The Scarecrow. Après que l’album ait été terminé, en 2007, nous étions libres de remettre toute notre énergie dans Edguy. The Scarecrow est sorti au début de l’année 2008, mais il a été produit et terminé plusieurs mois avant. Nous avons donc pu dès lors commencer à travailler sur de nouveaux titres. Donc finalement, tout n’est pas arrivé si rapidement. Même pendant la tournée d’Avantasia, nous étions en train d’enregistrer en studio, donc il n’y a pas vraiment eut de grosse interruption.
Dupinguez : On a également pu entendre parler récemment d’un DVD live nommé Fucking with Fire, si je n’abuse, enregistré au Brésil. A quoi peut-on s’attendre ?
Jens Ludwig : Cela va être un DVD live classique avec des bonus, bien entendu. A vrai dire, je n’ai pas encore vu le résultat final, seulement quelques extraits et ça à l’air fantastique, le public est venu nombreux, la salle est très bonne, nous avons pu y mettre tout le décor scénique voulu… Nous avons vraiment pu enregistrer un excellent show d’Edguy.
Dupinguez : On dirait que le Brésil est devenu la nouvelle destination à la mode pour enregistrer des lives. Récemment, Angra, Shaman, Helloween, Grave Digger et il y a quelques années, Bruce Dickinson, tous ont enregistré là-bas. Le public est certes très réputé là-bas, mais y a-t-il une autre raison pour laquelle il est bon de faire son live au Brésil ?
Jens Ludwig : Oui, car ce style de musique est très populaire en Amérique du Sud. Là-bas, nous pouvons jouer devant 6000 à 10000 personnes pour un seul concert. En Europe, c’est différent. Pour avoir le même public, il faut jouer dans un festival et il est plus difficile d’installer tous les éléments scéniques. C’est donc beaucoup plus facile là-bas. De plus, les gens qui y travaillent sont très bons. Nous avions déjà enregistré à Sao Paulo pour notre DVD
Superheroes, et nous étions très contents du résultat, car tout le monde avait fait un excellent boulot. C’est pour ça que nous avons choisi cette destination à nouveau.
Dupinguez. D’accord. Nous avons récemment interviewé Dirk (Sauer, guitariste rythmique) et nous lui avons demandé si cela ne le dérangeait pas de ne pas composer ou écrire de paroles pour Edguy et il nous a répondu que cela ne le dérangeait pas de simplement jouer ce qui a été écrit pour lui. Tu participes un peu plus à la composition que lui, car tu signes quelques titres sur chaque album, mais es-tu satisfait d’avoir un unique compositeur principal, en l’occurrence Tobias ?
Jens Ludwig : Oui, sinon je ne serais plus dans ce groupe
(rires)! Pour se sentir à l’aise, Tobias à besoin d’avoir une connexion immédiate avec n’importe quelle idée qu’il peut avoir et c’est ainsi qu’il aime travailler. Si chacun y apportait sa petite touche, il perdrait cette connexion et l’envie d’avancer, l’inspiration pour y accoler des lignes de chant, des paroles. Jusqu’à maintenant, nous marchons ainsi et tant que tout le monde se sent à l’aise avec sa performance studio et le résultat final, alors tout va bien.
Dupinguez : Nous avons parlé plus tôt de l’évolution de votre style musical. Lorsque Theater of Salvation est sorti, on pouvait dire sans trop se tromper qu’Helloween était votre principale influence. Mais aujourd’hui, quelles sont vos influences ? Qu’est-ce que vous écoutez dans la voiture, dans la cuisine, pendant l’acte reproductif ?
Jens Ludwig : Plein de styles différents
(rires). Cela part de musique des années 70, avec des groupes comme Led Zeppelin, jusqu’à des choses plus actuelles, plus à la mode, comme Nickelback, et tout ce qui va entre les deux : AC/DC, In Flames… Un bon titre est un bon titre, peu importe si c’est du thrash ou du AC/DC. Je ne pourrais pas vraiment nommer mon style de musique favori, si ce n’est le rock ! C’est un chapitre tellement grand de l’histoire de la musique qu’il est difficile d’en extraire un genre en particulier. Tant que la chanson à quelque chose de touchant, de particulier, alors peu importe que ce soit du hard rock ou quoi que ce soit d’autre.
Dupinguez : Tu as parlé de Nickelback et je dirais que ce style de musique, très immédiat, doit compter parmi vos principales influences aujourd’hui. Es-tu d’accord, et est-ce ce qui vous vient naturellement ou est-ce une évolution volontaire ?
Jens Ludwig : Tout est naturel. Si tu planifies avant l’enregistrement la manière dont ton album doit sonner, cela ne fonctionne pas, car tu te mets des barrières. Nous faisions beaucoup de titres rapides et maintenant nous n’en faisons plus, c’est venu naturellement. Nous essayons de laisser couler les choses naturellement pour voir comment les choses évoluent. Je vois ce que tu veux dire quand tu parles d’une ressemblance avec Nickelback, ces riffs très heavy… Mais c’est comme ça que c’est venu en studio, nous aimons jouer ce style et nous ne nous demandons pas si tel titre ressemble trop à tel autre groupe car au final, nous savons que le résultat sonnera comme un album d’Edguy quoi qu’il arrive.
Dupinguez : Tu disais également que vous en aviez marre de jouer du heavy speed mélodique. Écoutes-tu toujours ce qui sort aujourd’hui dans ce style ?
Jens : Oui, si c’est bon !
Dupinguez : Pourrais-tu nommer quelques groupes ?
 |
Jens : Dans ce style de musique… (Il réfléchit longuement) Difficile de me rappeler.
Dupinguez : C’est là où je voulais en venir. A mon avis, ce style tourne en rond depuis longtemps, les nouveaux groupes répètent des vieilles recettes qui ont déjà été écrites par Helloween, Edguy, Stratovarius…
Jens : Exactement. Pour être honnête, après "Eagle Fly Free", il n’y a rien à rajouter dans ce style ! J’écoute tout de même ce qui se produit actuellement, mais tout sonne de la même manière et c’est ce que nous essayons d’éviter. En tant que musicien, tu cherches toujours à te développer, à devenir meilleur. Et tu as raison, aujourd’hui, je suis revenu à du rock plus classique ou à des choses modernes, car il y a plus de variété, plus d’intérêt. Tous ces titres avec de la double pédale sont beaucoup trop prévisibles, tu sais exactement à quoi t’attendre. Et nous avons déjà donné ! Mais si le titre est bon… Nous avons "Pride of Creation" par exemple, qui sonne un peu de manière typique, mais nous y avons rajouté des éléments au milieu qui rendent tout de même ce titre intéressant et qui le démarque d’un classique de Stratovarius. |
Dupinguez : Votre évolution peut aussi être vue comme un voyage dans le passé, car vous êtes parti du heavy speed mélodique vers un rock de facture plus classique, aux racines plus anciennes. Votre prochain album sonnera-t-il comme du Led Zeppelin ?
Jens : Nous n’en sommes pas encore là
(rires)! Nous sommes très contents de
Tinnitus Sanctus et nous allons être très occupés avec la tournée en cours. Toutes les influences viennent alors, en visitant de nouveaux endroits, en rencontrant de nouvelles personnes. C’est cela qui nous donne la matière pour composer de nouveaux albums. Mais nous n’y pensons pas encore actuellement.
Dupinguez : A propos des tournées justement, car je suppose qu’avec Edguy, vous avez eut l’occasion de visiter de nombreux pays. Avez-vous le temps de visiter chaque pays, de vous imprégner de sa culture ?
Jens : Non
(rires)! Non, pas toujours à vrai dire. Si nous en avons la chance, nous en profitons. Nous essayons de visiter et de rencontrer de nouvelles personnes. Mais la plupart du temps, ce n’est tout simplement pas possible, car les emplois du temps sont trop serrés pour ça. Par exemple, nous sommes en ce moment à Lyon. Demain, on pourrait se réveiller en Italie, puis le surlendemain en Allemagne à nouveau. C’est difficile de prendre le temps d’aller vraiment à la rencontre des gens. En Europe, nous avons déjà été pratiquement partout où il est possible d’aller, donc nous savons a quoi nous attendre, nous savons gérer certaines situations… Nous connaissons déjà la mentalité des gens. Mais par exemple, sur cette tournée, nous jouons pour la première fois en Équateur et c’est très excitant car je n’ai encore jamais été là-bas.
Dupinguez : N’est-ce pas un peu frustrant justement, de visiter ces pays depuis les salles de concert, « de l’intérieur » si j’ose dire. Ne te sens-tu pas emprisonné dans une sorte de routine des tournées ?
Jens : Comme je l’ai dit, si nous avons la chance de sortir de cette routine, alors nous saisissons l’occasion. Mais d’un autre côté, je ne me sens pas emprisonné quand je suis en tournée. C’est même la raison principale pour laquelle nous faisons tout ça, jouer live. Nous sommes un groupe live à 100 pour 100 et c’est sur scène que nous nous sentons le mieux. Il y a évidemment des moments où tu es un peu fatigué, stressé par certains évènements… Mais c’est ce que nous voulons faire et c’est ça qu’il faut garder à l’esprit. C’est un vrai cadeau pour nous, de pouvoir encore tourner à travers le monde. Et même si tu n’as que quelques heures pour visiter une ville, tu te dis que ne pas avoir ces quelques heures serait encore pire ! Donc non, ça ne me dérange pas d’être en tournée.
Dupinguez : Oui, cela reste tout de même un rêve pour pas mal de monde ! Toujours à propos des tournées, vous avez actuellement André Matos en première partie, une affiche comme on aimerait en voir plus souvent. Comment se passe la tournée avec les membres du groupe d’André et Heat ?
Jens : Tout se passe à merveille. Honnêtement, c’est la meilleure affiche que nous ayons pu constituer jusqu’ici. André est un ami à nous depuis longtemps, nous avons découvert son groupe juste avant la tournée et c’est excellent ! Il faut absolument que tu voies ça ce soir, ils sont très bons sur scène et le public est heureux de les voir à chaque fois. Et ce sont des gars super sympa, donc un bon entourage, ce qui est toujours très agréable.
Dupinguez : De plus, André est un excellent frontman. Je suppose que cela vous met un petit peu de pression pour donner le meilleur show possible afin de ne pas lui laisser seul les honneurs.
Jens : Oui tout à fait. Nous essayons toujours de donner notre meilleure performance possible chaque soir. Mais tu as raison, quand tu sais que tu as des groupes excellents avec toi, tu vas devoir te donner à 110 pour 100 et vraiment te pousser à ta limite.
Dupinguez : Et bien je n’ai plus de questions. Donc pour finir, as-tu des questions que tu n’aimerais pas que je te pose?
Jens : Il n’y en a quelques unes, oui. Une question dont j’ai vraiment marre, c’est lorsqu’on me demande de raconter l’histoire du groupe. En théorie, ceux qui font l’interview sont censé connaitre un minimum leur sujet !
Dupinguez : En général, on pose cette question lorsque c’est la première interview du groupe pour le site ou que le groupe est récent. Mais on a du vous interviewer trois fois en un an et demi, avec chaque fois un membre différent, donc ça ira pour cette fois.
Jens : (rires) Une autre question qui m’énerve, c’est quand on me demande pourquoi on s’appelle comme ça. Mais tu le sais n’est-ce pas ?
Dupinguez : Hmmmmmm. Argh ! Je l’ai su, mais ça ne revient pas.
Jens : Et bien ce serait une autre question que je n’aimerais vraiment pas qu’on me pose.
Dupinguez : Et pourquoi vous vous appelez Edguy ?
Jens : (rires) Tu n’espères quand même pas que je vais te répondre après ce qu’on vient de dire ? |  |
Dupinguez : Non ! Mais cela me rappelle une autre question. Vous avez sorti un album nommé Savage Poetry, qui contenait des réenregistrements de votre première démo. Personnellement, c’était mon premier album d’Edguy et je découvrais tout juste le métal. J’en suis donc tombé amoureux ! Mais vous n’en jouez aucun titre, pourquoi ?
Jens : A vrai dire, c’est déjà très difficile de constituer une setlist qui est représentative de tous nos albums. Tu es une des rares personnes à posséder et à aimer cet album, mais la majorité de notre public ne le connaissent pas bien, donc ce serait bizarre de jouer ces titres lives, car les fans ont envie de chanter et d’avoir une bonne ambiance. Cela ne marche pas si personne ne connait les titres que nous jouons. Voilà pourquoi nous ne jouons pas de chansons de
Savage Poetry.
Dupinguez : Y a-t-il tout de même quelques titres que tu aimerais personnellement jouer dans cet album ? Je pense notamment à "Eye of the Tyrant", qui est un de vos meilleurs titres longs.
Jens : En fait, c’est là le vrai problème : que faut-il enlever de la setlist ?
Dupinguez : Ok. Une dernière question que tu n’aimerais pas que je te pose ?
Jens : Il y en a encore pas mal en fait. Je n’aimerais pas que tu me demandes 10000 euros ou que tu me demandes en mariage
(rires).
Dupinguez : Pour les 10000 euros, je veux bien, mais pour le mariage c’est non (rires)! Nous arrivons au terme de l’interview. Un petit mot à rajouter ?
Jens : Et bien j’espère que le concert de ce soir se passera bien et que tout le monde s’éclatera. Comme d’habitude, merci aux fans pour leur soutient !