Dexxie : Commençons par la question ennuyeuse : peux-tu nous donner une courte présentation de l'histoire d'Avec Tristesse, les grandes étapes, comment les membres se sont rencontrés... ?
Pedro Salles : Le groupe a commencé avec quelques titres que j'ai écris et qui ont fini sur notre premier opus,
Ravishing Beauty, en 2002. Après avoir enregistré des démos de ces chansons sur mon ordinateur, j'ai monté un groupe pour les enregistrer en studio et faire quelques shows. Nous avons ensuite obtenu un contrat avec un petit label indépendant ici au Brésil, qui a sorti cet album, et a financé le suivant, nommé
How Innocence Dies, qui vit le jour en 2004. Nous avons fait pas mal de concerts au Brésil entre 2003 et 2006, année pendant laquelle nous avons commencé à enregistrer notre troisième album, mais malheureusement, à partir de là, le groupe a connu un déclin qui est toujours d'actualité, pendant lequel nous n'avons fait que quatre concerts, et jamais fini l'album. La raison pour cela est une équation très simple : nous n'avons jamais gagné beaucoup d'argent en faisant de la musique. Tout ce que nous avons obtenu était de la frustration, des maux de tête, des disputes, et une incroyable perte d'argent. Et finalement, nous avons grandi, nous avons commencé à travailler, à vivre de manière autonome, et à gagner de l'argent indépendemment de la musique. Il était donc devenu très difficile de travailler dur pour la musique, comme nous l'avions fait jusqu'en 2005. Et, par-dessus le marché, j'ai déménagé de Rio de Janeiro à São Paulo, qui sont deux villes brésiliennes distantes de 500 km, donc on répète difficilement de nos jours, vu que le groupe est toujours basé à Rio. Mais il y a quand même une bonne nouvelle, nous finirons finalement notre troisième album, qui sera terminé en janvier 2009, puis nous rechercherons un label pour sa sortie. L'album s'appelera Use & Control.
 | Dexxie : D'où vient le nom du groupe ? Avez-vous une sorte de "passion" pour la France ?
Pedro Salles : Ben, j'ai fait 5 ans de français à l'école, et j'ai toujours perçu cette langue comme étant romantique et sexy. Les chansons que j'écrivais pour le groupe tout au début étaient relativement tristes et tragiques, donc "Avec Tristesse" y correspondait assez bien. Finalement, cela s'est montré un peu limitatif, vu que des gens nous associaient à des goths et des emos. C'est la vie : vis et apprends !
Dexxie : Comment comparerais-tu les différents albums, musicalement ? Et à propos de leur réalisation ?
Pedro Salles : Sur le premier album, nous étions en train d'apprendre à faire et à enregistrer de la musique, donc on peut y ressentir ce côté amateuriste. Pour être franc, nous ne prenions pas vraiment la chose sérieusement. Notre but principal était d'enregistrer un truc pour faire des concerts et rencontrer des gens avec les mêmes goûts musicaux que nous. Pour le second opus, nous étions plus sérieux et avions un label pour payer nos factures, et nous avions déjà plus d'expérience pour enregistrer de la musique, donc la qualité du son est meilleure et les arrangements plus complexes et recherchés. En ce qui concerne notre nouvel album, nous avons essayé de faire des choses plus simples. Nous nous sommes débarrassé des morceaux instrumentaux, des intros, des outros, des voix féminines, tout ça. Les chansons sont plus concises, plus objectives, et ont plus de chant de guitares heavy. Comme nous nous sommes toujours occupés nous-même de notre production, des arrangements et de la composition, nous ne pouvons nous fier qu'à nous-même, et c'est pourquoi l'expérience a toujours été pour nous un facteur important. |
Dexxie : Quels sont les groupes desquels vous tirez votre inspiration ? Comment as-tu été attiré par le(s) style(s) que tu joues ?
Pedro Salles : Nous écoutons un nombre incalculable de groupes et artistes, et tous ont influencé notre manière de faire de la musique. Évidemment, certains nous ont influencé plus directement, et sont reconnaissables dans notre musique. Sur notre premier album, on peut entendre pas mal de Borknagar, de vieux Opeth et de Dissection. Sur
How Innocence Dies, tu retrouves Katatonia, Dimmu Borgir, Emperor et My Dying Bride. Je pense que nous avons été attirés par ce genre de musique comme la plupart des gens le sont : nous étions des ados boutonneux qui voulaient se rebeller contre la culture mainstream, choquer maman et papa, pour finalement découvrir que ce style musical est tout à fait impressionnant.
Dexxie : Tu écoutes quoi, en ce moment ?
Pedro Salles : J'ai toujours écouté plein de styles de musique. Dans le côté metal de la force, j'ai toujours poussé à bout mes baffles avec des choses comme Ministry, Bloodbath, The Dillinger Escape Plan, Swallow the Cum, euh je veux dire Sun, Carcass (reunion yeah !), Disillusion, mes héros de Opeth, et un groupe finnois nommé Waltari, écoutez-les, ça vaut le coup !
Dexxie : Quel est ton album préféré d'Opeth ? Qu'as-tu pensé du dernier, Watershed ?
Pedro Salles : Mon préféré est
My Arms, Your Hearse. J'ai adoré le dernier, je pense qu'ils ont finalement fait quelque chose de rafraîchissant. Depuis
Blackwater Park, ils se pompaient eux-même.
Dexxie : As-tu des inspirations non-musicales, comme des livres, des films, des personnes, des lieux... ?
Pedro Salles : Non... je plaisante ! Oui, dans le passé, j'ai utilisé des films et des relations sociales comme sources d'inspiration. Le fait de faire de la musique m'a aussi aidé à me débarrasser du stress quotidiens et de mes petits soucis. Faire cela implique de faire des calculs, de la linguistique, de maîtriser ses connaissances en logiciel et matériel. C'est un hobby qui occupe tes deux mains, et qui fait passer le temps très vite.
Dexxie : T'arrive-t-il d'écouter ta propre musique, une fois qu'un album est sorti ?
Pedro Salles : Pas vraiment. J'ai dû écouter notre premier opus 2 ou 3 fois après ça sorti, et environ 5 fois le second. Je pense que c'est normal pour des gens comme nous qui portons un regard très critiques sur nous-mêmes.
Dexxie : Quels ont été les pires moments qu'a connus le groupe ?
Pedro Salles : Je ne peux pas vraiment trouver de moments pires que les autres. Cela a toujours été terrible de jouer devant une toute petite foule, de perdre de l'argent, d'entendre de mauvaises critiques et de lire des chroniques négatives. Tous les groupes doivent faire avec. Peut-être que le pire est de ne pas gagner d'argent en jouant, et de ce fait, de ne pas pouvoir faire du groupe ce dont tu aurais rêvé. |  |
Dexxie : Et les meilleurs moments ?
Pedro Salles : Nous avons fait 3 concerts absolument mémorables. La foule chantait les paroles de certains de nos titres plus fort que nous, ce qui était incroyable. Un autre grand moment était l'enregistrement et la sortie de notre premier album. Aucun d'entre nous n'avait vécu cela auparavant.
Dexxie : Est-ce que toi-même ou d'autres membres du groupe jouez dans d'autres projets ?
Pedro Salles : Sur le line-up actuel, notre batteur et notre clavériste jouent dans pas mal d'autres projets, mais je ne pourrais malheureusement pas te donner leurs noms.
Dexxie : Avant l'interview, tu m'as dis avoir été au Hellfest 2008. Il y a un groupe français qui y a joué, et qui partage des influences avec le tien, se nommant The Old Dead Tree. Tu les connais ?
Pedro Salles : Ma copine les adore ! Je pense qu'ils sont vraiment cool. Leur show était vraiment bon mais court, et le soleil tapant n'a pas aidé.
 | Dexxie : Peux-tu vivre de ta musique, ou alors travailles-tu à côté ?
Pedro Salles : Comme dit, nous n'avons jamais gagné beaucoup d'argent avec la musique. Les sommes que nous avons pu gagner ne suffisaient même pas à maintenir le groupe. Nous avons du mettre pas mal d'argent de notre poche. Nous avons tous des carrières en-dehors de la musique. En fait, la musique a toujours été un hobby pour nous, puisque dans une certaine manière, nous payons pour faire quelque-chose que nous aimons, c'est-à-dire du rock 'n roll.
Dexxie : Que penses-tu du téléchargement illégal de musique ?
Pedro Salles : Je pense que c'est le cours naturel des choses. Tout le monde adore la musique mais tout le monde n'a pas les moyens de payer pour. Avec l'arrivée de moyens techniques permettant le partage rapide de musique, de plus en plus de gens parviennent à écouter de la musique gratuitement, sans que les labels et les medias n'aient de contrôle sur ce que les gens veulent écouter. Pour les grands groupes, c'est un problème puisqu'ils vivent de ça, mais c'est comme ça, maintenant. Ils vont devoir vivre grâce à leurs concerts. Cela implique que pas mal de gens vont devoir s'entraîner pour apprendre à jouer correctement de leurs instruments. |
Dexxie : As-tu des plans pour le futur du groupe ? Comment perçois-tu ce futur ?
Pedro Salles : Je dois avouer que je suis un peu sceptique par rapport à notre avenir. Nous n'avons pas le temps de nous dédier à la musique. Cette année, nous avons répété 6 fois il me semble. Tout dépendra de notre troisième album. Si des gens nous invitent à faire des concerts et payent nos factures, si les retours sont bons, nous continuerons probablement. Autrement, cela pourrait être notre troisième et dernier album.
Dexxie : Y a-t-il une ou plusieurs anecdote(s) sympathique(s) que tu aimerais partager avec nous ?
Pedro Salles : Il y avait cette fois-là où le chanteur du groupe qui avait ouvert pour nous arriva sur scène au milieu d'une de nos chansons. Il était complètement bourré et commença a nous jeter des bières, et donner des coups de pied dans nos amplis, et à headbanger frénétiquement. Nous ne pouvions pas faire grand chose, il faisait partie des organisateurs du concert. Une autre fois, nous étions en tournée dans le sud du pays et un chauffeur de poids lourd nous avait offert de nous ammener à l'hôtel. Nous avons voyagé avec la cargaison, ça ressemblait à un épisode de jackass. |  |
Dexxie : Les derniers mots sont les tiens, s'il y a une question à laquelle tu aurais aimé répondre mais que je n'ai pas posée, ou alors si tu as un mot pour tes fans français...
Pedro Salles : Nous adorerions jouer en France, même s'il y a des chances pour que nous ne jouions plus nulle part. En gros, si vous êtes un patron de label ou un tourneur un peu dérangé, merci de nous contacter pour jouer là-bas. Tout ce dont vous avez besoin, c'est d'être très très riche et d'accepter que sur tout l'argent que vous investirez, environ 10% vous reviendra...
Crédits photo :
www.myspace.com/avectristesse