Gazus : Comment s'est fait votre partenariat avec Kerton Productions ?
Yohan : C'est un sacré coup du destin... Tristan avait un pote qu'il avait revu récemment à un concert et qui a monté une boite de prod, principalement du rap. Nous leur avons parlé du groupe, de l'opportunité que nous avions avec Ross Robinson et eux y ont cru, tant en notre musique que dans le projet avec Ross et y ont vu un moyen de s'accomplir et s'asseoir en tant que coproducteurs.
Tristan : Passer une étape. Pour eux, il fallait faire un gros coup. Ils ont déjà une histoire, des contacts aux États-Unis et à Los Angeles, c'était l'occasion pour eux d'y retourner. Nous n'avons pas vraiment eu à les convaincre, ils croyaient en nous. Ils ont par contre eu les couilles de sortir l'argent et de faire toute une organisation pour pouvoir s'y retrouver et faire grossir leur société, car c'est là leur but en tant que producteurs.
Yohan : Ce qui est quand même fabuleux, c'est que ce sont deux mecs plus jeunes que nous et qu'ils ont plus de couilles que n'importe quel label européen qui serait censé faire ça. Il y a une manière européenne de fonctionner qui est «
Petit à petit, l'oiseau fait son nid » et surtout pas partir dès le départ aux États Unis enregistrer avec Ross Robinson. Surtout maintenant, où tout le monde essaye de faire des clones, répéter des formules pour plaire et vendre aux gamins. Pour nous, le but avoué et de jeter un pavé dans la marre avec un projet qui ne s'est jamais fait avant. Ils ont eu ces couilles-là. C'est énorme parce que ce sont des européens avec une mentalité américaine et qui nous ont permis de réaliser une sorte de rêve américain, car il est vrai qu'il faut un peu plus trimer que ça pour en arriver là, même si nous avons énormément trimé et trimons toujours via toutes les démarches que nous avons à faire pour bosser nos projets. Mais bon, à cette échelle-là, ce n'est que du plaisir. Il n'y a rien de difficile, d'autant que quand tu as la chance de vivre des expériences comme celle-là, tu prends la vie d'un meilleur côté. Quand tu as vécu un rêve d'enfant, le reste c'est du bonus.
 | Gazus : Concernant les vidéoblogs que l'on voyait sur votre Myspace, que vont-elles devenir ? Finiront-elles sur un DVD bonus ?
Tristan : Il y a des chances. Nous avons beaucoup filmé. Maintenant, s'agira-t-il de ces vidéos mises bout à bout ? On ne sait pas. Probablement.
Yohan : Nous avons plein d'images qui ont été montées. Pour l'instant nous les avons partagées avec les gens pour qu'ils vivent un peu cette aventure et puissent suivre le cheminement de ce qui est pour nous un rêve. Comme je te disais, le reste n'est que du bonus, donc concernant la manière dont nous l'exploiterons... Nous ne savons pas encore. Mais nous en ferons quelque chose. Nous l'avons déjà exploité en quelque sorte. |
Gazus : Ma question concerne le blog tenu par Milka, mais peut-être saurez-vous répondre. En lisant ce blog, on a autant l'impression de lire un journal de bord que de voir un « teaser » de l'album, avec diverses infos distillées, qui font envie. Était-ce voulu ?
Yohan : Non. C'était spontané dans la démarche. La seule chose que nous nous sommes dit est «
On va vivre quelque chose d'unique ». Du coup, nous avons voulu garder des traces de ça et de faire des choses sur le moment qui nous permettent de prendre la mesure après coup de ce que nous avons fait, car ce n'est pas une chose que l'on calcule toujours. Il y a aussi une part de journal intime de la part de Milka. C'est en quelque sorte un prisme à travers son regard de ce que nous avons vécu. Évidemment, il y a des clés de ce que sera l'album car c'est lui qui l'a fait et parce ce que c'est ce qu'il ressent à l'instant t de ce qu'il a fait. Après, il y a mille lectures possibles... Le but, comme pour les vidéos est de partager cette expérience, donner à des gens...
Tristan : (
l'interrompt) En premier lieu à nos familles. On ne se rend pas compte, mais passer deux mois à dix mille bornes de chez toi...
Yohan : En huis clos.
Tristan : Effectivement, même si ce n'est pas non plus une prison, nous n'étions pas à Alcatraz... Quoique nous étions isolés. Bref, plutôt qu'envoyer des mails tous les jours «
Bonjour, il fait beau aujourd'hui !», de payer huit-cent euros de téléphone par mois, finalement, le blog a permis de donner des nouvelles, outre l'aspect promotionnel, en plus de montrer que nous étions vraiment là-bas et pas en vacances. Après, le blog a été fait par Milka et parle en son nom. Il n'y a qu'une fois où il m'a fait lire avant de publier, mais le reste du temps, il publiait sans nous le dire. C'est son truc. En plus de ça, c'est chronologique, ce qui fait que les infos sont distillées par rapport à l'état d'esprit du moment, toujours dans cette volonté de mémoire et de partage.
Gazus : Vous avez « mis de côté » vos vies pour aller à Los Angeles...
Tristan : Tout à fait, c'était quelque chose d'assez difficile, rien qu'en tant que choix. Nous étions devant une opportunité unique qui se trouvait opposée à nos boulots respectifs. Au final, c'est sur nos taffs que nous avons tous fait une croix.
(Milka nous rejoint alors)
Gazus : Où en est le mixage de l'album et avez-vous une date approximative de sortie ?
Yohan : Le mixage est en post-production est quasiment fini. Il reste à le faire masteriser. Concernant la date de sortie, Ross veut avoir le produit fini entre les mains avant qu'il ne sorte. Un tel projet implique une visibilité assez conséquente et des mecs qui bossent bien, tu ne vas pas faire n'importe quoi avec n'importe qui, surtout sur un projet comme ça. Du coup, nous pensons que ce sera dans le courant 2009, mais nous n'avons pas de date précise. Ce sera la surprise. |  |
Gazus : Milka, une question concernant le blog, à laquelle tu avais pour l'instant échappé : On a autant une impression de journal de bord que de teaser à la lecture du blog. Cet effet teaser était-il voulu ?
Milka : C'était inconscient. À partir du moment où les gens lisent le blog, c'est qu'ils sont intéressés et cherchent des informations. À partir de ce moment, ça tease. Nous, nous racontons juste ce qui se passe, nos émotions, notre ressenti à chacun. C'est ce que j'ai voulu faire passer dans ce blog, des gens qui découvrent une nouvelle façon de travailler, qui vont au fond d'eux mêmes, un groupe autour duquel plein de choses se passent, des choses plutôt heureuses en ce moment. C'est sûr que nous étions très confiants dans ce qui allait se passer. Il y avait beaucoup de confiance concernant l'album, nous nous disions «
Cet album va tuer ! », dans le sens où nous en sommes très fiers. C'est avant tout la volonté de partager ce sentiment festif qui m'a guidé dans le fait de faire ce blog.
Gazus : Est-ce que tous les titres qui étaient sur la démo seront sur l'album ?
Tristan : Alors ce n'est pas une démo...
Gazus : Ah oui pardon, c'est un EP ! (
rires) Ce n'est pas moi qui ai écrit la question, c'était ma secrétaire. (
rires)
Yohan : Nous ne savons pas. Nous avons enregistré douze morceaux et nous allons voir ce qui sera sur l'album et comment ce sera. Maintenant, de toutes façons, il y aura des titres de l'EP interprétés différemment, dans le sens où ce sera méconnaissable.
Gazus : À quel point travailler avec Ross Robinson a influencé et changé ces titres ?
Tristan : Au niveau du piano, il m'a fait enregistrer plusieurs parties, essayer différentes tessitures ainsi que des textures. C'est la première fois qu'il travaillait avec un groupe utilisant cet instrument en tant qu'instrument principal. Il n'avait pas de recette prédéterminée et faisait les choses sur le coup, expérimentait. C'était une expérience pour lui. Au niveau des effets, c'est le roi. Si à l'école on t'a appris que pour arriver à Brest en partant de Paris il fallait passer par Rennes ou je ne sais quoi, lui te fera passer par Toulouse puis par Mulhouse et tu y arriveras mille fois mieux. C'est peut-être l'homme le plus anticonventionnel du monde et c'est pour cela que c'est génial pour l'album. Nous avons créé des sons que ni lui ni moi ne savons comment nous avons fait. Et on se fiche de savoir comment nous l'avons fait, au final, l'important étant que ça donne. C'est en ça que c'est unique et que nous explorons des choses, non seulement artistiques et musicales, mais sonores.
 | Gazus : Par rapport à cette question d'exploration sonore, savez-vous si, au niveau des concerts, vous allez garder cette part d'exploration ou bien allez vous rester dans ce côté brut que l'on trouvait dans l'EP ?
Milka : Ah, c'est une bonne question...
Tristan : Oui...
Gazus : (l'interrompt) Pourquoi, les autres étaient mauvaises ? (rires)
Tristan : Non, non ! (rires) Donc, pour la réponse... les deux. Pour l'instant je ne vais garder que le piano, mais j'ai pour ambition d'essayer, si ce n'est d'adopter un système avec des machins et des pédales d'effets pour voir ce que ça donne. Nous essayerons. Nous n'avons pas eu le temps de mettre ça en place vu que nous n'arrêtons pas d'être occupés depuis que nous sommes revenus, mais ça viendra.
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Gazus : Maintenant le chant...
Milka : Il y a un travail qui a été fait avec Ross, que lui a beaucoup comparé à celui qu'il a fait avec Max Cavalera de Sepultura sur
Roots... Apparemment j'ai eu la même attitude que Cavalera, dans le sens plutôt positif où il y a eu une acceptation de remise en question, chose qui selon Ross était rare chez les chanteurs, car ce n'est pas évident. Il peut te dire «
Ce passage ci, c'est très bien, par contre, ce passage là, change tout car c'est nul. »
Gazus : Il était aussi direct que ça ?
Milka : Il m'a dit à propos de certaines parties de chant «
Ça ne me fait rien, ça m'évoque des dessins animés... Ça ne m'évoque rien. Je sais que tu vas pouvoir m'évoquer mille cinq cent fois plus. » J'ai dû réellement réapprendre à chanter. Ou plutôt, j'ai dû désapprendre à chanter pour réapprendre différemment. C'était assez expérimental et aujourd'hui... Il y a plus de voix claire, dans le sens où avant je ne faisais que hurler. Mais ça n'est pas aussi simple que «
Ah oui mais il chante !» et où ce serait une commande du label où il faudrait chanter sur tous les refrains pour passer sur MTV. Là c'est différent, nous avons cherché à obtenir quelque chose de plus naturel pour plus de littéralité, de sauvagerie et il y a plein de passages que j'ai fait où, à la première prise, j'hurlais comme un porc, à la seconde, je parlais, la troisième, je la chantais et la dernière, je faisais comme un mix des trois, je ne sais pas ce que j'ai fait. Et les autres me disent «
Ah ouais elle est géniale la dernière ! - Ah ouais, c'est cool, euh... j'ai crié ? - Oui mais juste sur la fin !» Je ne sais pas ce que j'ai fait. Ça va plus loin dans la transmission de l'émotion, ce qui est un peu une des bases en musique : quelqu'un avec son instrument qui transmet des émotions à celui qui l'écoute. Et cette transmission est beaucoup plus évidente, rapide et je dirais appréhendable pour le commun des mortels. Il n'y a pas besoin d'avoir écouté tel groupe, tel groupe et tel groupe pour aimer. C'est toujours un mec qui crie, mais il n'y a plus besoin de certaines tendances culturelles, hardcore ou metal pour comprendre pourquoi cet abruti ne fait que crier sur ce piano.