Hot, Emir

Entretien avec Emir Hot - le 25 septembre 2008

17
Lucificum

Une interview de




Hot,_Emir_20080925

Il fallait interviewer Emir Hot. Nouveau venu dans le paysage guitaristique, l’homme vient juste de sortir son premier album solo, Sevdah Metal (chronique ici), qui s’avère fort sympathique et rafraichissant. Et comme souvent quand un membre des Eternels a un coup de cœur, il est décidé de lui donner la parole. Entretien avec un musicien d’un pays peu réputé pour sa scène métal, dont l’accent prononcé n’est pas sans rappeler l’irritant mais amusant Borat, qui roule autant les « r » qu’un assureur roule ses clients.


Lucificum : Peux-tu nous faire une petite présentation de ta carrière musicale et guitaristique ?

Emir Hot : J’ai commencé la guitare très jeune, à six ans. Je vivais en Bosnie-Herzégovine où j’ai commencé des études de musique classique, et à l’âge de onze ou douze ans j’ai joué dans un groupe local de ma ville…c’est en fait comme cela que tout a commencé. Je ne connaissais rien à la musique heavy-metal et j’ai découvert tous ces groupes comme Iron Maiden, puis je me suis mis à aimer des groupes plus hard comme Slayer, Kreator, Sepultura… Je suis ensuite revenu vers des choses plus rock, des groupes du début des seventies que je continue d’écouter, tels que Led Zeppelin, Deep Purple… J’ai alors fait mon premier groupe sérieux, appelé Neon Knights. Nous avions choisi ce nom à cause de la chanson de Black Sabbath. Nous avons enregistré un album en Italie mais juste après, la guerre a éclaté dans mon pays et il n’était plus possible de partir en tournée. On a dû tout arrêter. Un peu plus tard, après la guerre, j’ai monté un autre groupe appelé Southern Storm et nous avons fait de l’excellent boulot en ex-Yougoslavie, où nous avons enregistré un album. Mais après la guerre, la situation économique des Balkans était très mauvaise et je pensais qu’il ne serait pas possible de faire d’autres albums là-bas. Nous aurions pu faire une belle carrière dans d’autres pays, cela dit, mais là-bas nous n’avons pas de copyright, pas de protection, donc toutes ces choses ont fini par ma faire bouger à Londres pour étudier la guitare, au London Institute. J’y ai fini mes classes et j’y ai préparé mon projet personnel, qui sort en ce moment : Sevdah Metal.

PhotoLucificum : Peux tu nous parler de tes influences, au niveau guitaristique ?

Emir Hot : Ca a commencé avec ces groupes de rock des seventies et des eighties… j’aimais beaucoup Ritchie Blackmore, et j’ai appris tous les soli de Rainbow. D’abord lentement, et puis j’ai appris à augmenter ma vitesse de jeu. J’ai alors découvert Yngwie Malmsteen, définitivement une de mes principales influences, puis tous ces guitaristes rapides tels que Paul Gilbert ou Vinnie Moore. J’ai passé six ou sept ans à étudier leur style de jeu, dont on ressent de façon évidente les influences à l’écoute de mon album. Une fois mes études à Londres achevées, j’ai réalisé que de nombreuses façons de jouer pouvaient améliorer ma technique. J’ai alors appris de la country, du jazz… Je n’en ai pas utilisé dans ma musique, parce qu’il s’agit de heavy metal, mais en tant que musicien je joue beaucoup de blues. J’aime Roben Ford, Steevy Ray Vaughan, tous ces guitaristes légendaires. Si tu t’attends à ce que je te sorte des noms de guitaristes de heavy metal… en fait je ne suis pas vraiment au courant des guitaristes de la scène metal, je suis plus plongé dans les racines du genre…


Lucificum : Sevdah Metal est ton premier album solo, qu’est-ce que cela représente pour toi ?

Emir Hot : C’est un grand accomplissement ! Tout ce que j’ai voulu faire par le passé… mais à cause des conditions difficiles d’alors, je n’ai pas pu le faire plus tôt. J’ai trouvé là le bon moment et le bon endroit pour écrire mon propre album et y mettre tout ce que j’aime, toutes mes influences, avec quelque chose qui m’est plus personnel, que j’ai amené de mon pays : la musique traditionnelle bosniaque que j’aime beaucoup jouer. Je me demandais ce que cela donnerait, couplée avec du heavy-metal. J’ai alors eu ce deal et les choses se sont très bien déroulées entre le label et moi, et tout le monde a été très enthousiaste quant à la façon dont l’album est entré sur le marché. Il y a eu de bonnes chroniques de partout dans le monde ! Le disque a connu 3 sorties, d’abord dans les Balkans, puis avec Lion Music dans environ quarante pays, et puis il y a eu une sortie Japonaise via Soundholic Records et c’est pour moi un immense accomplissement. Ca ne va pas s’arrêter là : j’ai d’ores et déjà prévu d’en faire un autre, et nous en sommes aux négociations avec Lion Music, cela verra peut-être le jour dans le milieu de l’année prochaine, je pense.

Lucificum : Peux tu nous parler de ce qu’est le Sevdah ?

Emir Hot : Ah ! C’est un style de musique traditionnelle en Bosnie. Tous ces pays des Balkans, comme la Serbie, étaient sous domination de l’empire Ottomans il y a 500 ans, quand la Turquie régnait partout. Sevdah est en fait un mot Turc, qui se traduit par quelque chose comme « chagrin d’amour », ou quand tu meurs pour une personne que tu aimes. Le plus important dans cette musique, c’est les paroles. Il y a beaucoup d’émotions, c’est pour cela que nous l’appelons « bosnian blues », même si ça ne sonne pas vraiment comme du blues… mais les mélodies sont pleines d’expression, vieilles d’au moins 300 ans. J’ai donc emprunté ces mélodies célèbres que l’on peut encore entendre dans mon pays, elles sont encore diffusées à la radio et il y en a des tas d’interprétations différentes. Sevdah est donc le nom qui désigne ces musiques traditionnelles, qui sont très particulières à ces pays des Balkans.
Photo


Lucificum : Et tes paroles sont-elles des paroles de musique Sevdah ?

Emir Hot : Non, non ! Elles sont complètement différentes (rires) ! J’écris plutôt à propos de l’état du monde d’aujourd’hui, je vois où vont les gens, ce qu’il va se passer dans les vingt ans à venir. Non, j’ai seulement pris la musique, parce les paroles que l’on a dans le Sevdah ne fonctionneraient pas vraiment avec du heavy-metal. Les mélodies s’y prêtent mieux.

Lucificum : Comment en es-tu arrivé à collaborer avec John West (chant) et Mike Terrana (batterie) ?

Emir Hot : Avant de m’installer à Londres, Mike Terrana a fait un concert dans ma ville, en Bosnie, et j’étais chargé de l’organiser. C’est ainsi que je l’ai rencontré, vers en 2003 ou 2004, je ne sais plus vraiment. Depuis, nous sommes resté en contact et nous sommes devenus amis. Et quand j’ai eu achevé d’écrire mes titres, à Londres, au moment d’aller en studio, j’avais enregistré tout l’album en tant que démo et je le lui ai envoyé via Internet. Il a aimé, et il a proposé d’enregistrer tout l’album. J’étais très enthousiaste, alors il est venu à Londres et nous nous sommes réunis en studio, où il a fait un excellent travail à la batterie ! C’est très agréable de bosser avec lui. Et puis… il y avait ce type, qui chantait sur l’album, et je n’étais pas vraiment satisfait de ses performances. J’ai alors demandé à Mike ce qu’il en pensait et il m’a répondu «hey, John West vient juste de quitter Royal Hunt, tu sais, c’est peut être le bon moment pour l’appeler», et après quelques emails, John a été emballé et a voulu venir à Londres pour chanter avec nous. Ainsi, les choses ont pu aboutir.

PhotoLucificum : As-tu dans l’idée de partir en tournée et donner des concerts ?

Emir Hot : Bien sur, c’est l’idée ! On aimerait faire des concerts. Mais le gros problème, c’est que nous vivons tous dans des pays différends et c’est vraiment difficile de se retrouver ensemble. Nous avons fait un concert en Croatie, et nous étions supposés jouer en Italie, mais ça a été annulé, apparemment à cause d’une mauvaise gestion là-bas. Nous n’avons donc fait qu’un seul concert. Au départ, nous étions supposés faire une série de concert dans le monde, puis cela s’est réduit à l’Europe. Mais après ce concert annulé, nous avons réalisé que ça allait être très difficile. Rien n’est prévu pour le moment et je ne sais pas vraiment combien cela couterait de nous faire tous venir de pays et de continents différends. Il faudrait jouer toute la semaine pour que ça ne revienne pas trop cher, donc je crois que nous allons mettre tout cela de coté jusqu’à ce que je trouve de meilleures solutions. Mais oui, bien sur, nous visiterons tous les scènes métal en Europe dès que possible, c’est une de mes priorités.



Lucificum : De quelle manière la guerre des années 90 a influencé ta pratique de la musique ?

Emir Hot : Eh bien pour commencer, j’ai dû quitter définitivement le pays ! (rires) Il était impossible d’y faire de la musique de manière professionnelle, c’est d’ailleurs un mot que l’on y entend jamais. Il n’y a pas de loi sur le copyright, il n’y a pas vraiment de revendeur de CDs, on ne peut pas y acheter des albums originaux. Les choses bougent, parce que la guerre est finies depuis seize ans, mais ça prendra bien dix ans de plus pour que la Bosnie rattrape les standards européens. Je ne pouvais pas attendre si longtemps, je devais d’abord m’en aller. Quand à ma façon d’écrire, oui, ça l’a affecté. J’écris sur ce qu’il se passe autour de moi, et j’ai vu tellement de bonnes et de mauvaises choses… en fait, plus de mauvaises que de bonnes. On peut entendre dans mes chansons beaucoup de tristesse et de dépression, ce genre de choses. Je suis en fait en colère contre ces gens qui font des guerres stupides, les gens meurent pour rien du tout… et puis je me suis déplacé dans un pays où il n’y a pas de guerre, mais ce pays reste concerné malgré tout par la guerre, ils envoient leurs propres troupes combattre autre part. Notre monde me parait comme si rien n’était naturel. Les gens sont prêts à tout pour gagner les élections et avoir de l’argent sans se soucier de comment les autres vivent. C’est le sujet principal de mes paroles. Oui, la guerre a définitivement influencé ma façon de composer et d’écrire. Si je n’étais pas né dans un pays qui n’a connu que la guerre depuis un siècle où deux, il y aurait sans doute plus de mélodies joyeuses dans mon album. Peut-être que le prochain sera plus gai ! (rires)

Lucificum : Penses-tu que l’on assiste à un renouveau de la guitare virtuose venant de l’Europe de l’Est ?

Emir Hot : Bien sur, on peut trouver d’excellents musiciens en Europe de l’est ! Mais à cause de la situation sur place, très peu d’entre eux sont capables de s’exporter, de faire carrière et de faire parler d’eux. Dans mon pays, je connais au moins dix guitaristes de niveau international, qui pourraient jouer dans n’importe quel groupe de par le monde et qui en plus ferait certainement du meilleur boulot, parce que je pense qu’ils sont meilleurs ! (rires) Mais la situation fait qu’ils sont obligés de rester là-bas, ils ont dû trouver un boulot et il est maintenant trop tard pour qu’ils repartent de zéro. C’est ce que j’ai choisi moi de faire, parce que je n’avais pas d’autres options. J’aurais pu continuer à jouer là bas, sans doute pour rien, mais je ne voulais pas. J’ai passé vingt à apprendre à jouer de la guitare, ça n’est pas pour rester à ne rien faire, ça n’aurait pas de sens. Il y a des tas de cultures différentes dans les Balkans, on peut entendre tellement de style différends et les instruments sont très variés, c’est vraiment incroyable. Si tu écoutes la radio ou que tu regardes la télé, tu en vois tellement mais ils ne sortent pas du pays, ils y restent. C’est un problème national. Ca devrait là aussi s’améliorer, d’ici six ou sept ans, et j’espère que tu entendras bientôt beaucoup d’autres noms de ces pays là !

Lucificum : Peux-tu nous parler de l’utilisation des instruments traditionnels sur Sevdah Metal ?

Emir Hot : Tu peux y entendre principalement de l’accordéon, l'un des plus importants instruments dans notre musique. On peut aussi en entendre en France, ou encore en Russie, mais la façon dont nous en jouons ici est totalement différente. Ils utilisent des techniques et des gammes qui n’ont rien à voir avec les autres pays, ce qui les fait sonner de cette manière unique. Un autre instrument utilisé est le saz, un très vieil instrument Turc. Je ne crois pas que tu puisses l’acheter en magasin, où que beaucoup de gens sachent en jouer. Il ne doit y avoir que 5 familles dans mon pays qui savent encore en jouer. On peut en entendre sur la chanson "Sevdah Metal Rhapsody". Ces musiques traditionnelles étaient jouées il y a 200 ans uniquement avec cet instrument, il n’y avait pas de percussions du tout. On entend aujourd’hui d’autres arrangements, avec plus d’instruments, mais il n’y avait à l’origine que du chant et du saz. Je voulais introduire ces sonorités particulières sur mon album. Je n’en ai pas mis beaucoup, juste durant 15-20 secondes, mais ça suffisait pour la chanson. J’ai aussi utilisé des percussions et de la guitare acoustique, mais elles sont jouées plus de manière typique, pas comme la guitare que l’on entend tous les jours. Il y a sur l’album des invités, maitres en matière de musiques traditionnelles, alors je les ai enregistrés car ils jouaient ces parties mieux que moi ! J’ai mis tous les noms dans le booklet du CD, il y en a beaucoup, au moins 15 ou 16.
Photo


Lucificum : Ils sont connus ?

Emir Hot : Certains d’entre eux, oui ! D’autres non, mais ils jouent tous aussi bien. Certains font carrières, d’autres non.

Lucificum : Tu es professeur de guitare sur le site http://www.guitarmasterclass.net/... l’apprentissage est une autre de tes passions ?

Emir Hot : C’est un de mes amis bosniaque qui m’a recommandé de contribuer au site. J’ai regardé le site et j’y ai vu un concept intéressant, très bien pour quiconque veut apprendre des techniques, alors j’ai dit oui. Je ne le fais pas pour l’argent, même si je suis content d’en recevoir un peu, mais j’aime transmettre mon savoir. J’ai également des élèves particuliers à Londres. Mais sur ce site, j’ai trouvé un nouveau hobby, je pense que c’est sympa de montrer aux gens quelques-unes de ses techniques favorites, ainsi ils peuvent acquérir quelque chose de toi. Ce qui me ferait le plus plaisir serait d’entendre que quelqu’un a me compte parmi ses influences de jeu ! Et c’est une bonne manière de montrer tout ce que tu possèdes. C’est un très bon site, qui compte environ un millier de leçon à l’heure actuelle, plus de 60 guitaristes travaillent dessus et ils sont tous d’excellents musiciens. Mais ça reste un hobby !

PhotoLucificum : Quelles différences perçois-tu entre la vie à Londres et celle en Bosnie ?

Emir Hot : Oh mec… ce sont deux planètes différentes ! (rires) Ici, il faut travailler dur. Je ne crois pas qu’il n’y ait personne de 50 ans qui n’ai pas de travail, car tout est très cher ici. Je ne sais pas trop pour le reste de l’Angleterre, mais ici à Londres, c’est dingue comme c’est cher. Pour ma part, je travaille en tant que designer graphique pour le web, c’est mon travail principal, et jouer de la guitare est mon activité secondaire ! Avec ces deux choses, je peux vivre normalement, pas de problème. Mais dans mon pays, l’économie est sinistrée, il n’y a pas de boulot, rien du tout. Les gens sont désespérés et d’années en année ils doivent trouver des solutions pour avancer. C’est vraiment totalement différend. Ca prendra encore entre quinze et vingt ans pour revenir à un état normal, donc tout le monde ne peut pas vivre en faisant quelque chose qu’il aime en Bosnie.


Lucificum : Penses-tu revivre un jour en Bosnie ?


Emir Hot : Si la situation s’améliore, oui, pourquoi pas. C’est là bas que j’ai grandi, j’y ai ma famille, tu vois… mais ça dépend. J’ai rencontré ma femme en Slovaquie, alors on ira peut-être vivre la bas, on ne sait jamais ! (rires)

Lucificum : Un dernier mot pour la France ?

Emir Hot : Merci beaucoup de me donner l’opportunité d’apparaitre sur votre site web car toute promotion est une bonne chose quand on débute un projet de ce type ! Je veux aussi remercier toute personne qui a acheté le CD et je ne peux que promettre que nous mettons en œuvre tout ce qui est possible d’être fait pour organiser une tournée, donc je suis certain que nous visiterons un certains nombre de villes de votre pays. Nous ne nous arrêterons pas à cette étape, nous allons enregistrer du nouveau matériel et les choses devraient nous être plus faciles dans le futur ! J’espère jouer toujours plus, et je ne vous décevrai pas avec mon prochain album ! Et merci encore pour cette interview !



Crédits photo :
www.myspace.com/sevdahmetal
www.emirhot.com/






©Les Eternels / Totoro mange des enfants corporation - 2012 - Tous droits réservés
Latex Dresses for Prom,Latex catsuits in the goth subculture latex clothes The potential dangers of overheating and dehydration while wearing latex catsuits,The ethics of wearing and producing latex clothing sexy latex clothing
Trefoil polaroid droit 4 polaroid milieu 4 polaroid gauche 4