Lucificum : Tu enregistres tout toi-même à domicile, peux-tu nous parler de cet aspect de Mirrorthrone ?
Vladimir : Je suis du genre à bien aimer maîtriser tout ce qui se passe dans les choses où je m’investis vraiment, j’ai donc acheté du matériel de son d’abord pour des raisons financières, parce que je me vois mal entrer en studio pour enregistrer une démo en sachant que ça risque de prendre pas mal de temps vu que je suis seul, que je dois être performant tout le temps et que j’ai des morceaux qui ne sont pas forcément rapides à enregistrer…mais c’est quelque chose qui a vraiment fini par me plaire. Je me suis investi dans la production, j’ai passé pas mal de temps à travailler les sons et c’est maintenant quelque chose que je vais essayer de faire en dehors de Mirrorthrone, pour d’autres personnes. Je vais commencer à produire quelques groupes. Mais bon, là, je suis dans 10m², j’ai mon lit, ma télé et tout mon matos de musique
(rires)…c’est là-dedans que je vis et que je fais tout.
Lucificum : En ce qui concerne la guitare, tu sembles avoir quelques influences neo-classiques dans ton jeu…
Vladimir : C’est un style que je n’écoute pas tellement en fait, je n’ai jamais vraiment investigué cette scène. J’aime bien Malmsteen, il y a là deux-trois petites choses que j’aime bien, mais ce sont des mélodies qui me viennent spontanément. Il y a clairement une scène qui est à fond sur ces plans là mais je ne la connais pas très bien.
Lucificum : Et quels sont les guitaristes qui t’ont influencé, dans ce cas ?
Vladimir : Ben écoute, j’aime bien James Murphy (ndlr : Testament, Death, Konkhra…) qui a été dans pleins de groupes. J’ai adoré ce qu’il a fait avec Testament sur Low (ndlr : 1994), où il a fait d’après moi les plus beaux solos qu’on puisse imaginer pour du metal. Il a vraiment été une monstrueuse influence pour moi. Autrement, j’ai toujours bien aimé Jeff Loomis de Nevermore, mais c’est surtout James Murphy qui a été mon espèce de mentor quand j’avais quelque chose comme 13 ans (rires). J’ai acheté ma guitare en pensant à ses morceaux. | |
Lucificum : De même au niveau du chant, tu sembles aussi à l’aise dans tous les types de chant extrêmes (growl, hurlement…), quelles sont tes influences sur ce point ?
Vladimir : Je ne sais pas si j’ai un chanteur fétiche…bon, j’aime bien Testament mais je ne chante pas du tout comme Chuck Billy. Je pense qu’il faut plutôt aller regarder dans ce que j’écoutais à l’époque quand j’ai commencé à hurler. J’aimais bien la voix de Peter Tägtgren, mais plus encore celle du premier chanteur d’Hypocrisy
(ndlr : Masse Broberg), qui s’est retrouvé dans Dark Funeral. Ca a été mes influences principales pour les grosses voix. Il y a autrement Marduk, avec Legion, mais c’est vieux tout ça…
Lucificum : Tu ne te sens plus concerné par le milieu black metal dans son ensemble ?
Vladimir : Je ne me suis jamais vraiment senti concerné par cette scène qui se revendique comme complètement autonome, comme des espèces de surhommes surpuissants qui font leurs propres valeurs et qui posent leurs propres codes, alors qu’en fin de compte ce ne sont que des suiveurs qui s’enchaînent dans des schémas un peu crétins mais qui ne m’ont personnellement jamais amusés…Il y a une énergie assez impressionnante, c’est cela qui me touche à travers la musique, mais tout le reste me passe vraiment 1000 kilomètres au dessus…
Lucificum : Peux tu nous parler un peu de ton Weeping Web ?
Vladimir : C’est le nom que j’utilise pour signer certains de mes travaux graphiques et sites web. Je mets là-dessous tout ce qui est un peu metal, c’est mon gagne-pain vu que je fais ça professionnellement.
| Lucificum : Et comment arrives-tu à partager ton temps entre ta musique, ton site de design et tes études de philosophie ?
Vladimir : Eh bien, là c’est chaud, je bosse un peu tout le temps (rires) ! Je suis un workholic, comme ils disent. Je dors peu, je bosse beaucoup. Pendant longtemps, j’ai mis un peu mes études de coté. On est assez libre en lettre, même si maintenant le système a changé. Dans l’ancien système que j’ai connu, on pouvait faire traîner nos études, on n’était pas obligé de rendre nos travaux à des dates précises, il fallait juste faire ce qu’on avait à faire dans un certains laps de temps. J’ai donc vraiment profité de ça et les premières années je n’en ai pas branlé une, j’étais tout le temps en train de faire de la musique chez moi. Là, j’ai un peu rattrapé tout ce temps, je bosse beaucoup et j’ai moins de temps pour la musique ce qui est un peu embêtant car chaque travail musical me prend maintenant dix fois plus de temps qu’avant. Je fais des compos de plus en plus élaborées, au niveau du son je me prends vraiment la tête, j’utilise des outils plus complets qui me prennent quinze mille ans alors qu’avant je composais un morceau de quinze minutes en une journée… |
Lucificum : Parlons un peu de la Suisse, ton pays…d’après plusieurs acteurs de la scène metal de là-bas (exemple dans une interview récente de Sybreed - cliquez ici), c’est pire que la France en terme de développement et production de la scène metal…te sens-tu un peu touché par ce qui semble être un état de fait ?
Vladimir : Touché ? De plein fouet, oui…vu qu’il ne doit y avoir que cinq ou six suisses qui connaissent le nom de Mirrorthrone
(rires) ! J’exagère un petit peu mais il n’y a pas ici de scène à proprement parlé , même si beaucoup de gens sont là. D’un autre côté, je ne m’y suis jamais impliqué, je n’ai jamais essayé de faire partie du truc vu que je préfère faire les choses moi-même dans mon coin sans m’intéresser à ce que les autres peuvent dire…Je ne me sens pas concerné par ces mouvements de masse qui essayent de guider tout ce qui se fait.
Lucificum : C’est pour ça que tu as choisis un label américain ?
Vladimir : Oui, même si ces temps-ci il semble qu’il y ait pas mal de choses qui bougent. J’ai rencontré deux-trois personnes qui ont fait des labels, beaucoup de choses se font maintenant, ça commence un peu…mais ça reste petit. Et puis tout est très cher, les studios sont hors de prix et tu trouveras difficilement un fan de musique qui fera ça avec des prix intéressants pour le plaisir d’enregistrer un groupe. C’est vraiment dur, on a tout pour travailler artistiquement parlant mais tout est très cher, y compris la vie de tous les jours. Ceci dit, la vie en France, avec l’euro qui n’arrête pas de monter
(rires)…et puis vous n’avez pas les mêmes salaires que nous, et le coût de la vie ne cesse d’augmenter.
Lucificum : A qui le dis-tu…(soupir). Et toi, tu vas essayer de produire quelques groupes, de t’investir dans cette mécanique ?
Vladimir : Oui, même si mon but reste de m’investir le moins possible. Comme je te l’ai dit, je n’ai pas envie de faire partie d’une scène, ça ne me plait pas. En même temps, j’ai eu le plaisir de découvrir des groupes qui me plaisaient bien sans qu’ils ne soient à proprement parler metal. Il y a un groupe de metalcore, sans doute le plus metal du lot, même si en principe les gens qui sont dans le black n’aiment pas tellement de style. D’ailleurs je n’aime pas vraiment moi-même mais eux sont réellement intéressants. Je vais donc mixer leur EP dont je me réjouis qu’il sorte bientôt. Je bosse aussi avec un groupe de hardcore à la Madball.
Lucificum : J’imagine que ce ne sont pas encore des groupes connus en France…
Vladimir : Oh non ! Le groupe de metalcore, A Thousand Year Slavery, est inconnu partout et sortira son premier EP sur Conatus Record, et celui de hardcore, Life as War, s’est fait un nom en suisse, pas encore en France…mais ça viendra !
| Lucificum : Quels groupes t’ont impressionné dernièrement ? Est-ce que tu suis la scène metal dans son ensemble ?
Vladimir : Pas vraiment. J’étais beaucoup plus fervent il y a quelques années, notamment à l’époque d’Adipocere (ndlr : label/distributeur français). J’étais tout le temps accroché sur le catalogue, dès que Metalian sortait je commandais plein de trucs…Là, j’ai dernièrement acheté le Testament – je continue de suivre mes vieux groupes (rires) – que j’ai franchement trouvé pas mal, avec une production d’Andy Sneap vraiment bestiale même si je suis un peu déçu de la performance du guitariste Alex Skolnick. L’album qui m’a dernièrement foutu une baffe, c’est le dernier Abigor, Fractal Possession, un album très bizarre. Vu que je monte leur site, le guitariste me l’a envoyé et je l’ai découvert un peu par surprise…je te le conseille vivement. (Réfléchis) A part ça, je n’en vois pas tellement, en tous cas dans les nouveautés. |
Lucificum : Peux-tu nous dire un petit mot de tes autres projets musicaux, en dehors de Mirrorthrone ?
Vladimir : J’en ai deux relativement actifs dont Unholy Matrimony, mon projet black qui compte deux albums depuis - en gros - l’époque de Mirrorthrone, l’un étant sorti sur Melancholia Records, en France. C’est un label qui a fait quelques prods et qui s’est un peu auto-étouffé, je ne sais pas très bien ce qu’il s’est passé. Ils ne m’ont pas filé une thune pour mes royalties donc je suis un peu fâché. Et vu que ça s’est hyper mal passé avec eux, je n’ai pas vraiment continué la composition. J’attendais de voir un peu comment les choses allaient se dérouler, mais ça fait des années que je n’ai plus eu de nouvelles, j’ai donc laissé tomber. Là je suis sur le point de commencer l’enregistrement du prochain album, qui risque d’être assez noir et violent, un genre de mix entre Hate Forest et Satyricon. Mais je ne sais pas pour quand ça sera, j’ai besoin de temps pour enregistrer et en plus je suis en train d’écrire mon mémoire donc c’est chaud
(rires). Autrement j’ai Weeping Birth, mon projet black/death ultra-violent qui est l’un de mes tous premiers, commencé en 99. J’ai fait un premier album aux alentours des années 2000 et là je suis sur le point de sortir des vieux enregistrements que j’avais sur mon disque dur depuis quatre ans. Ca devrait sortir dans quelques jours, j’attends les CDs de l’usine de pressage. Et pour finir, j’ai un projet doom appelé Accurst Journey dont je n’ai jamais sorti la démo car je n’étais pas hyper satisfait de l’enregistrement, et ça fait des années que ça traîne. Depuis, j’ai fait à peu près un morceau chaque année, j’ai donc là de quoi faire un album mais je ne sais pas trop quand je trouverai le temps de le reprendre. J’ai composé ça sur de vieux logiciels, il me faut donc convertir tous les fichiers batterie avec les nouveaux sons de maintenant, et ça prend de heures. En ce moment, je n’ai vraiment pas le temps et ça m’ennuie un peu de perdre mon temps – entre guillemets – sur de vieilles compos alors que je pourrais bosser sur de nouvelles choses. En même temps, il y a là-dedans de très bons morceaux, que je considérais à une époque comme mes meilleurs. Et je me suis en plus mis en tête de faire autre chose que du metal
(rires), j’ai des projets un peu pop/rock en route. Je vais essayer de faire un album assez béton, je vais donc devoir prendre le temps d’enregistrer ça.
Lucificum : Savais-tu que sur le forum de notre site, nous avions organisé en fin d’année dernière un tournoi qui consistait pour chacun des participants à proposer aux autres participants 2 titres qu’ils jugeaient comme étant inconnus dans le monde de la musique (pour le faire découvrir aux autres), et que après plusieurs semaines de votes en éliminatoires, huitième de final, quart etc…le titre "A Scream To Express The Hate Of A Race" avait fini premier devant ses 64 concurrents ?
Vladimir : (étonné) Sérieux ? Ah ben ça fait plaisir ! Je n’étais pas du tout au courant, ça me touche beaucoup. Ce morceau est bien catchy, je trouve que c’est l’un des très bons que j’ai fait, c’est le morceau idéal à sortir de l’album ! C’est bien qu’il y ait des gens qui se bougent et qui organisent des trucs de ce genre-là. Ca fait du bien à la scène, et j’ai vraiment besoin de toute la promo qu’on peut me donner vu que je ne fais pas un seul concert et que je ne sors jamais de chez moi
(rires) ! Je suis d’ailleurs souvent assez surpris de lire les chroniques, les gens sont en général plutôt emballés par ce que je fais et me donnent la note pratiquement maximum, ça fait très plaisir. Ceci dit, parmi tous les gens qui viennent vers moi pour me dire que tel album est super, je suis sur qu’une grande partie d’entre eux l’a téléchargé et ne l’a pas acheté
(rires) !
Lucificum : En ce qui me concerne, même si j’ai déjà écouté Carriers Of Dust en long, en large et en travers, dis-moi dès qu’il est à nouveau disponible à la vente (ndlr : il semble être en rupture de stock auprès du label Red Streams), que je l’achète…
Vladimir : Je ne sais pas très bien ce qu’il se passe du côté de Red Streams…il semble que ça soit un peu le chaos ! Ils m’envoient tous leurs mails à la bourre, ils me doivent de la thune depuis quelques temps, je ne comprends pas très bien. J’ai attendu plus de six mois qu’ils pressent le CD. J’espère qu’ils n’ont pas de problèmes financiers. C’est un label qui est là tout de même depuis quelque chose comme quinze ans, ils ont sortis tous les Necrophagia, Skepticism, Himinbjorg, ils ont lancé Bethlehem qui font partie de leurs bonnes ventes, même si elles ne sont pas énormes. Le téléchargement fait découvrir les groupes aux gens. Je ne peux pas vraiment estimer le nombre de CDs téléchargés, mais quand le Mirrorthrone est sorti, c’était l’horreur : tu allais sur Google, tu tapais "Mirrorthrone" et "Gangrene" et tu avais je ne sais combien de pages avec des liens torrent et rapidshare. Sur (ndlr : ici, Vladimir site le nom d’un site proposant du téléchargement gratuit), l’un de ces gros sites, il a du être téléchargé 800 fois en une semaine, c’était du délire. Ca me fait un peu grincer des dents, moi qui donne tout ce que j’ai dans ma musique, toute ma thune part là-dedans au point que je ne m’offre plus de CD pour économiser pour du matos, et ça m’embête de voir qu’il y a aussi peu de retour. Des mecs m’écrivent en disant que mon album est l’album de l’année, qu’il est trop génial…et ils l’ont téléchargés (rire jaune) ! Je touche 1€ sur le CD…c’est rageant ! | |
Lucificum : Eh bien en tous cas…tu as des fans en France ! Bon courage pour la suite !
Vladimir : Je ne compte pas m’arrêter, je vais continuer ! Donc merci pour l’interview, et à très bientôt !