Aurelsan : Bonjour David, donc on va commencer par une question vraiment très simple, pour nos lecteurs, est-ce que tu peux présenter Warehouse, vos influences principales, votre style ?
David : Warehouse a débuté en 1999 à Paris avec un batteur qui s’appelle Hervé Marché et moi David K. Alderman. Nous avions un clavier qui s’appelait Pierre et avec qui nous avons enregistré le premier disque. Pierre est parti assez vite, donc nous nous sommes retrouvés à deux. Nous avons trouvé des gens pour jouer mais pas de façon stable jusqu’au moment où nous avons rencontré une fille qui s’appelle Karine Larivet et qui elle, a joué un peu avec Émilie Simon notamment et dans d’autres trucs un peu électro. Elle est arrivée en 2002 à la basse et depuis, nous avons sorti un 45 tours et un album. Karine est partie l’été dernier juste après l’enregistrement du deuxième album
Escape Plan Foiled. Nous avons par la suite recruté un guitariste et un bassiste donc nous sommes maintenant 4. Quant à nos influences, c’est assez difficile à dire, j’écoute tellement de trucs… Je ne sais pas si ce sont vraiment des influences mais j’aime beaucoup ce qu’écoutait ma mère quant elle était jeune, du la musique jazz brésilienne par exemple. Sinon les musiques de film, comme Ennio Morricone et les films de John Carpenter. Évidemment, nous avons des racines punk, ou proto-punk, des trucs comme Pere Ubu. Pas mal de gens disent aussi qu’on ressemble un peu à Jesus Lizard, Fugazi, Minute Men. Pas mal de post-punk anglais… c’est toujours la question à laquelle je ne peux pas vraiment répondre clairement.
Aurelsan : Tu es Gallois, comment es-tu arrivé ici ?
David : J’avais un groupe au pays de Galles qui s’appellait Slow Jam et qui a sorti 2 albums. Ces albums sont aussi sortis en France, et le type qui s’occupait de ça m’a invité en France. Je suis venu avec le bassiste et là j’ai rencontré une française qui est devenue ma femme. Au début elle est venue à Cardiff la capitale, tu vois avec le Millenium Stadium et tout, donc on est resté là-bas 2 ans et le groupe a splitté, donc nous sommes rentrés en France. | |
Aurelsan : Vous avez pas mal de liens avec Zenzile (ndAurelsan: un groupe de Dub français) qui officie dans un style assez différent on va dire, comment s’est faite la rencontre ?
David : Ça a commencé avec Slow Jam en fait, lorsque nous sommes venus jouer en France, nous avons été hébergés à Angers chez le bassiste de Zenzile actuel. À l’époque, il avait un groupe dans le style des Clashs, des Thugs. Il joue maintenant dans Zenzile depuis 10 ou 11 ans et l’année dernière, il m’a proposé de faire quelques morceaux avec eux, ça a bien marché, on a enregistré, j’ai fait la tournée avec et voilà.
Aurelsan : Comment le groupe fonctionne t-il ? C’est toi qui fais tout ?
David : Oui c’est souvent moi qui amène la première idée, le riff, parfois le batteur aussi. J’écris les textes aussi. Mais ce que j’aime, c’est que chacun puisse apporter sa propre personnalité. C’est pas juste moi qui dis : « fais ci, fais ça… », ce n'est pas très dynamique. Quand chacun amène sa petite touche même si ça ne marche pas, c’est toujours mieux. Et depuis l’arrivée du second guitariste, c’est peut être un peu plus compliqué mais dès qu’on a une idée ça peut partir plus vite.
| Aurelsan : Vous allez sortir un nouvel album donc en Mars 2008, et chacun sait que c’est énormément d’investissement. Pour un jeune groupe quels conseils donnerais-tu ?
David: Je dirai : « reste bosser dans une banque et garde ton argent ». Dans ce genre de musique, on va dire rock un peu tordu, faut pas rêver ce n'est pas un truc qui va te faire gagner beaucoup d’argent, ce n'est pas le but non plus. On fait ça avant tout pour le plaisir bien sûr, mais c’est un peu plus qu’un hobby alors si les gens aiment bien ce que tu fais, c’est génial et si les gens n'aiment pas et bien tu le fais quand même. C’est ça, tu restes intègre et tu n'essaies pas de trouver quelle sera la prochaine mode. Ce que je n'aime pas à Paris, c’est ce genre de choses, ces petits groupes rock, ils ont 17 ans et ils se disent des Stooges et de MC5, c’est un peu débile. Si dans 2 ans, l’électro revient, ils vont se mettre à en jouer. |
Aurelsan : Est-ce que tu te sens comme un puriste ?
David : Non, je ne suis pas un puriste mais ça sonne faux. Ceux qui ont quelques connaissances musicales savent que ce n’est pas authentique.
Aurelsan : Et donc pourrais-tu nous décrire un peu ta philosophie du rock ?
David : Avec ma famille, c’est la plus importante chose dans ma vie dans le sens où si t’es triste ou content, il y a toujours quelque chose qui correspond à ça. Si tu fais du rock, jazz, soul, métal, tu trouves toujours quelque chose de valide. Quand j’étais jeune, j’ai commencé avec le punk et j’écoute tout maintenant sauf de la chanson française
(rires). En fait en ce moment je n’aime vraiment pas cette mode du chanteur torturé, je sais que les français adorent ça mais c’est minable. Euh c’était quoi la question déjà ?
Aurelsan : Juste savoir si tu avais une conception particulière de la musique rock ?
David : Oui oui ! Dans les années 60, ce sont en gros mes premiers souvenirs, j’écoutais la musique à la radio chez ma grand-mère. Il y avait du Lee Hazelwood, les Beatles, Nancy Sinatra et je crois que ça m’a touché. Dans les années 70, j’étais plus Glam Rock puis punk. Les gens qui sont obsédés par la musique, je trouve ça plus sain que par rapport à d’autres obsessions. Ca dépasse tout, c’est le meilleur moyen de communication. Je trouve qu’en France, c’est ce qu’il manque, il n’y a pas cette valeur…
Aurelsan : Justement, pour toi en France qu’est ce qu’il y a de bien et de franchement mauvais, on va d’abord commencer par les points positifs ?
David : En ce moment, il y a une scène underground noise qui est peut être un peu déjà vue mais bon c’est pas trop mal. Avec Zenzile, il y a une bonne scène de dub si vous aimez ça et aussi d’autres trucs bizarres comme Magma. Il y a un groupe français pas très connu qui s’appelle, euh, je ne sais plus vraiment, un peu jazz punk bizarroïde. Dans tous les pays il y a des trucs bien, c’est le plus souvent des choses qui restent cachées pendant des années même. Prenons un truc très simple, si tu aimes un groupe par exemple comme U2, ce qu'il y a de bien c’est que tu vas essayer de savoir ce qu’il y avait avant, c'est-à-dire leur époque quand ils n'étaient pas encore trop minables, ensuite tu vas remonter au punk… et ainsi de suite. | |
Aurelsan : Parlons un peu de vos concerts, vous tournez environ combien de temps dans l’année ?
David : Nous faisons les premières parties de Zenzile, ils ont un bon réseau en France, et même si ce n'est pas vraiment notre clientèle, il y a toujours des personnes qui ont des racines rock ou indie. Ça c’est vraiment sympa. On peut comme ça jouer devant 800 ou 1000 personnes. Si une seule personne dans le public nous apprécie c’est bien et multiplie ça par 30 dates…
Aurelsan : 30 dates, c’est un peu votre objectif ?
David : Non, nous n’avons pas vraiment d’objectif. L’année dernière, nous avons joué à la Cigale et à la Miroiterie, comme ça nous pouvons voir un peu les 2 côtés des choses. N’oublie pas qu’à la Cigale, c’est un peu le système et dans les endroits plus punk, c’et beaucoup plus libre et agréable.
Aurelsan : Maintenant question classique, ton meilleur souvenir en tant que musicien ? Un concert, une rencontre…
David : Il va me falloir du temps pour réfléchir… Avec Warehouse, je n'ai que des mauvais souvenirs…
(rires). Je crois que c’est quand j’étais jeune à la fin des années 70, début 80, les premiers concerts que j’ai faits. J’ai vu des groupes comme les Boomtown Rats, Stephen Fingers et ces concerts étaient vraiment… c’était dangereux en plus… tu pouvais te faire tabasser ou piquer ton argent, ça m’est déjà arrivé mais ça reste que des bons souvenirs. Sinon y’a un concert de Black Flag à Londres que j’ai vu, j’avais aussi interviewé le groupe pour un fanzine. En première partie de ce concert y’avait les Minute Men et c’était génial parce qu'ils ont joué une chanson qu’on avait enregistré sur un truc pourri.
| Aurelsan : Et dans 10 ans, tu te vois toujours dans Warehouse ?
David : Les jeunes pensent que la musique, c’est comme le foot. Après 25 ans c’est fini pour toi. Alors que non pas du tout, quand tu vas voir un blues man de 60 ans, tu ne lui dis pas « arrête t’es trop vieux ». Regarde Neil Young, il est toujours là. Par contre il y a toujours de la merde, Bob Dylan, Elton John… (rires). Même Iggy Pop aussi, tu vois ces gens là ils le méritent. Il ne faut pas tomber dans la nostalgie, certains le font et c’est dommage. |
Aurelsan : Tu te souviens de ta première guitare ?
David : Oui, c’était une copie Telecaster, une Jetsun. j’en ai vu sur eBay récemment.
Aurelsan : Ca vaut de l’or ?
David : Oh non, c’est mon père qui m’avait acheté ça en 80 pour mon anniversaire et ça coûtait 17 livres. J’ai fait pas mal de concerts avec, je l’ai ensuite donné à une copine en 86-87. Et depuis plus de 20 ans maintenant je joue avec une Les Paul Gold Top.
Aurelsan : Et comme amplis ?
David : Un Marshall fin années 60. Je l’ai depuis plus de 24 ans je crois.
Aurelsan : Finalement tu préfères les formules assez simples ? Tu n’es pas très porté sur la technique ?
David : Oui tout à fait. Moins de boutons il y a et mieux c’est. Maintenant les Marshall tu ne trouves même plus l’input pour le jack, et après il y a tellement de réglages, c’est comme un avion. Si tu as Bass, Middle, Treble et Presence, voilà ça suffit. Personnellement, je n'ai presque rien comme effets, c’est avant tout l’esprit et la créativité.
Crédits photos non Eternels :
www.myspace.com/warehouse99project