Struck : Vous êtes en tournée depuis avril. Comment gérez-vous une tournée aussi longue, en particulier les conséquences sur votre vie de famille ?
Gavin Harrison : C'est ce que font les musiciens : ils tournent ! Nous n'avons pas été sur la route de manière continue depuis avril par contre, il y a eu des pauses. Par contre il est vrai que faire des milliers de kilomètres, dormir dans un bus, etc... ça fatigue énormément, tant physiquement que mentalement.
Struck : Quelles sont tes influences musicales personnelles ?
Gavin Harrison : Moi ? Le jazz. Mon père était un jazzman et j'ai grandi en écoutant sa collection de disques : des trucs comme Clifford Brown, Miles Davis, Chet Baker, Art Farmer, Jim Howe... des musiciens évoluant dans des petites formations. Puis dans les années 70 j'ai commencé à écouter du rock et du funk, mais pas vraiment de progressif. Je n'ai commencé à m'intéresser au prog qu'à partir de la deuxième moitié des années 80.
| Struck : Et comment as-tu atterri dans un groupe de prog ?
Gavin Harrison : J'ai juste eu de la chance ! J'ai travaillé avec le claviériste Richard Barbieri au début des années 90 en Italie, avec un chanteur... et j'amais beaucoup son groupe Japan. Nous sommes devenus amis et nous sommes restés en contact. J'avais toujours été batteur de session, et en 2002 il m'a appelé pour me dire que le batteur de Porcupine Tree de l'époque (Chris Maitland) avait quitté le groupe, qu'ils devaient aller à New York pour enregistrer un album et qu'ils avaient besoin de moi comme batteur de session. J'y suis donc allé en tant que batteur de session, j'en enregistré l'album et ça s'est super bien passé, donc ils m'ont demandé de rejoindre le groupe.
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Struck : Porcupine Tree n'est pas qu'un groupe de passage pour toi, si ?
Gavin Harrison : Non. Je n'avais jamais fait partie d'un groupe avant donc j'ai décidé d'essayer, pour voir ce que ça faisait d'être membre d'une formation à part entière... vu qu'auparavant j'avais toujours été loué au coup par coup pour jouer sur tel album ou telle tournée. Donc je me suis dit que ce serait intéressant de faire l'expérience d'être dans un groupe. L'année prochaine je vais jouer pour King Crimson, je devrai donc gérer King Crimson et Porcupine Tree de front... mais Porcupine Tree ne va pas être très actif l'année prochaine, j'aurai donc le temps de tout faire. Et j'ai un autre projet à côté avec un certain 05Ric, nous avons enregistré un album ensemble l'année dernière et il est dispo depuis à peu près deux mois. Je l'ai rencontré via Myspace et ça a fonctionné à merveille... donc l'année prochaine j'enregistrerai probablement un autre disque avec Ric entre les sessions de travail avec King Crimson et Porcupine Tree. Ca peut sembler beaucoup de travail, mais tout ça est une source de plaisir avant tout... la partie la plus pénible est le temps passé à voyager.
Struck : Penses-tu sortir un projet sous ton propre nom maintenant que tu es connu du grand public ?
Gavin Harrison : Le projet que je viens de mentionner s'intitule Gavin Harrison and 05Ric... j'ai sorti un disque sous mon nom il y a dix ans (ndCCC : Sanity & Gravity), et j'ai trouvé ce processus très difficile. Il faut passer beaucoup de temps à se chercher, il faut extraire toutes ces choses de soi... et quand j'ai rencontré Ric nous avions les mêmes intentions musicales, donc ça a été beaucoup plus facile de sortir un disque en tant que duo que de faire un album solo. Ça ne sonne pas vraiment comme du Porcupine, plus comme un mélange du King Crimson des années 80 et de David Bowie... nous aimons les mêmes choses avec Ric, nous avions donc à coeur de suivre nos goûts et de faire un album totalement non commercial. Nous faisons tout par nous-mêmes, nous n'avons ni label ni distributeur ni management... nous nous sommes dits contentons-nous de faire l'album, et de le faire pour les bonnes raisons. | |
Struck : Comment s'est passée ton intégration dans Porcupine Tree ?
Gavin Harrison : Assez facilement : nous composons la musique à quatre, tout est une question d'alchimie et de comment nous jouons, ce que nous aimons, la manière dont nous fonctionnons ensemble, dont nous interprétons les chansons. Il n'y a pas de difficulté pour que chacun insuffle sa personnalité à la musique. Le processus d'écriture n'est pas du tout figé : parfois je compose seul, parfois le groupe compose collectivement, parfois Steven (
Wilson, chant et guitare) compose seul... nous produisons et enregistrons la musique nous-mêmes... ça donne un feeling de groupe très agréable. Peut-être que la perception du public est que le chanteur est le leader et écrit tout, mais en fait ça ne se passe vraiment pas du tout comme ça. Je ne voudrais pas être membre d'un groupe où une seule personne contrôle tout. Bien sûr c'est différent quand je suis batteur de session et que je travaille pour un artiste : là c'est sa vision, son album, sa tournée, son argent... mais faire partie d'un groupe est un statut plus exigeant où on contribue plus.
Struck : Tu as mentionné que l'année à venir serait calme pour Porcupine Tree. As-tu d'autres détails à nous donner concernant le futur du groupe ? Pensez-vous déja au prochain album ?
Gavin Harrison : Oui ! Nous commencerons probablement à l'écrire et à faire des démos en 2008. Parfois ça va vite et parfois ça prend beaucoup de temps : les idées peuvent fuser et le disque peut se mettre en place très vite, mais
Deadwing a pris beaucoup de temps à être écrit par exemple, surtout par rapport à
Fear Of A Blank Planet. On ne peut jamais prédire combien de temps cela va prendre... en tous cas l'année prochaine nous allons probablement jouer dans quelques festivals d'été. Nous allons peut-être faire quelques dates en automne, entre septembre et novembre... mais quelque chose d'assez court. Nous allons probablement sortir un album live.
| Struck : Comment en es-tu arrivé à la batterie ?
Gavin Harrison : Je ne sais pas. Quand j'étais tout petit je jouais de la trompette, sûrement pour faire comme mon père... et je dansais très bien aussi. Vers cinq ou six ans je faisais partie d'une école de ballet : j'étais le seul garçon et mes professeurs étaisnt très enthousiastes car ma coordination était bonne. Je pouvais faire des mouvements assez complexes et mes professeurs pensaient tenir une future star de la danse... mais ça a vite cessé de m'interesser. Mon père jouait un peu de batterie et il recevait des amis à la maison pour taper le boeuf. J'ai commencé à être fasciné par la batterie et j'ai commencé à en jouer à six ans. Et je ne me rappelle plus de rien après, si ce n'est que c'était ça que je voulais faire. Quand j'étais enfant, tout ce que je voulais faire était jouer de la batterie ! Je rentrais de l'école tous les jours, je n'ai jamais participé à une quelconque activité après l'école... j'étais très bon au foot car j'avais une très bonne coordination pour un jeune garçon. Mais je ne voulais pas rester après l'école pour jouer au foot ou faire quoi que ce soit, je voulais juste rentrer chez moi et jouer de la batterie. Je n'avais aucune autre ambition.
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Struck : Es-tu fier de ce que tu es devenu ?
Gavin Harrison : Oui, je suppose. Au début il s'agissait juste de survivre et de réussir à gagner mon pain en jouant de la batterie... je ne voulais pas d'un boulot normal du style chauffeur ou restaurateur. Je voulais vraiment voir si j'étais capable de faire de la batterie mon moyen de subsistance. Donc j'étais heureux que ça fonctionne, et même si j'ai enregistré de la musique inhabituelle pour moi et que je n'aimais pas vraiment, mais je savais lire une partition et j'avais les capacités pour jouer du jazz, ou de la valse, ou quoi que ce soit en fait.
Struck : Quelle est le sens des vidéos projetées lors de vos concerts ?
Gavin Harrison : Elles sont l'oeuvre d'un réalisateur danois nommé Lasse Hoile qui a aussi réalisé l'artwork des trois derniers albums. Il a réalisé toutes les vidéos et elles sont synchronisées sur la musique. Dans les nouvelles chansons elles sont en rapport avec les sujets traités dans les textes de
Fear Of A Blank Planet.
Struck : Le groupe pense-t-il rééditer Lightbulb Sun qui est devenu difficile à trouver ?
Gavin Harrison : L'album ressortira remastérisé l'an prochain.
Struck : Que ferais-tu écouter à quelqu'un ne connaissant pas Porcupine Tree pour lui faire découvrir le groupe ?
Gavin Harrison : Le dernier album, je pense. J'ai enregistré trois albums avec le groupe : In Absentia, Deadwing et Fear Of A Blank Planet...
Struck : ... ces trois albums sont d'ailleurs les plus heavy de la discographie du groupe. Y es-tu pour quelque chose ?
Gavin Harrison : Je ne sais pas ! C'est la musique la plus heavy que j'ai joué sur un plan personnel. Je ne suis pas vraiment branché métal, je n'ai pas écouté de musique heavy en grandissant. J'admire une partie de la musique et les capacités de certains musiciens qu'on trouve dans les groupes de métal. Je suis vraiment un jazzman du fait de mon enfance, et peut-être que de ce fait je joue du heavy avec une attitude différente. Un batteur de heavy ne jouerait pas pareil;, il suffit d'écouter Slayer... je suis un batteur de jazz qui essaye de jouer du heavy metal, et peut-être que c'est pour ça que le résultat final est un peu étrange. | |
Struck : Un message pour les fans ?
Gavin Harrison : Nous apprécions... (
silence) Notre fanbase est en train de grandir lentement, nous ne sommes pas un groupe de pop qui devient très populaire très vite et dont la popularité meurt tout aussi vite. Nous bâtissons notre carrière très lentement, et c'est probablement pour ça que nous sommes encore là après seize ans. Après chaque album et lors de chaque tournée, de plus en plus de gens achètent nos disques et viennent nous voir en concert, et c'est très agréable de faire partie d'une entité qui grandit à un rythme régulier. Je ne pense pas que nous aurons un jour l'exposition d'un groupe pop et que nous passerons sur les chaînes de télé nationales car nous ne jouons pas la musique pour ça, mais nous faisons la musique que nous aimons.
| Struck : Combien de temps penses-tu encore jouer avec Porcupine Tree ?
Gavin Harrison : Je n'en ai aucune idée, ça dépendra de l'ambiance collective. Nous pourrions arriver à la fin de cette tournée et dire « arrêtons-là ». Tous les groupes sont au bord de la rupture, tout le temps... mais le groupe est formé depuis 1993 : je n'en fais partie que depuis cinq ans mais la formation existe depuis très longtemps donc ce serait dingue de tout jeter aux ordures après avoir fait des centaines et des centaines de shows. Ce serait sympa de continuer ensemble... je ne sais pas, je ne peux rien prédire : ça pourrait durer encore deux ans, encore dix ans, encore deux semaines, je n'en sais rien. |
Struck : Tu connais quelques mots français ?
Gavin Harrison : Non, pas du tout... je parle un peu italien par contre et... tiens, tu sais quoi ? Quand je joue de la batterie pendant trop longtemps de suite, je finis par avoir du mal à parler anglais. L'autre moitié de mon cerveau prend le dessus, et formuler des mots devient vraiment difficile. Quand j'ai joué toute la nuit, tout ce qui me vient ce sont des rythmes et j'ai beaucoup de difficulté à les relier à des mots. Certaines personnes m'ont dit qu'il est plus facile pour un musicien d'apprendre une nouvelle langue car l'apprentissage est lié aux capacités d'écoute, mais j'approche la musique par le biais des rythmes, pas des sons, et mon cerveau fonctionne de manière très mathématique au final.
Struck : Et connais-tu des groupes français?
Gavin Harrison : Oui... j'en connais quelques-uns... (n'arrive pas à citer de noms) en fait la meilleure personne pour ce genre de question est Steven Wilson. C'est un juke-box humain, il connaît des millions d'albums et des millions d'histoires liées à ces albums... Il connaît les tracklists par coeur, il sait quel musicien a joué sur quel disque, les années de sortie de chacun... moi je ne suis pas un collectionneur. Je connais Manu Katché sinon, en fait il a été une de mes grosses influences durant les années 90 et j'ai écouté son jeu sur les albums de Peter Gabriel, Robbie Robertson... son jeu est incroyable. Je n'ai pas aimé ses albums solo par contre. Il a participé à la Nouvelle Star, non ? Il était plus le gentil juge ou le méchant juge ? (apprend que Katché faisait le méchant et éclate de rire) Il y a toujours trois gentils juges et un méchant, nous en avons un vraiment méchant aussi en Angleterre. | |