Hacride

Entretien avec Samuel Bourreau (chant) - le 24 novembre 2007

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Cosmic Camel Clash

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Gazus

Une interview de




Hacride_20071124

Hacride en a fait du chemin depuis la sortie d'Amoeba (chronique ici)! Chroniques dithyrambiques en France et ailleurs, concerts en festivals, tournée avec Divine Heresy, le groupe est devenu un des fers de lance de la scène française. Interrogé avant un concert démentiel à la Scène Bastille (que votre serviteur loupera en partie pour cause de mauvais timing) le chanteur Sam a fait avec nous le point sur le statut actuel du groupe.


Cosmic Camel Clash : Quand j'avais interviewé Adrien (Grousset, guitare) et Benoist (Danneville, basse) du temps de la Terre des Immortels (interview ici) l'album venait de sortir et rien n'était encore très clair. Depuis c'est un peu la folie, non ?

Sam : Je ne sais pas si on peut dire que c'est la folie, mais ce que nous souhaitions est un peu arrivé. Il y a eu un bon écho sur l'album, les gens ont apprécié, sur scène ça a suivi aussi et les gens sont venus nous voir. Nous avons eu de bonnes opportunités cet été : la tournée avec Dying Fetus, le Brutal Assault, le Hellfest... nous avons senti que ça se concrétisait, oui. Il ne faut pas s'affoler non plus : nous allons essayer de saisir ces opportunités, jouer le mieux que nous pouvons et donner tout ce que nous avons. Mais oui, nous sommes content de ce qui nous arrive.
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Cosmic Camel Clash : En parlant d'opportunité, comment s'est goupillée la tournée avec Divine Heresy, et quelle a été votre réaction en apprenant que vous alliez y participer ?

Sam : Déjà chacun travaille dans son coin, nous ne sommes pas musiciens professionnels du tout, il faut qu'on bosse. Donc il a déjà fallu s'organiser, chacun dans son coin, pour savoir si c'était possible. L'opportunité était énorme : Divine Heresy, Dino Cazares, tourner en Angleterre, Allemagne et compagnie... c'est le genre de truc qu'il ne faut pas rater. Après je ne sais pas trop comment c'est arrivé : Divine était en pleine promotion aux USA, ils commençaient à organiser leur tournée en Europe et nous avons réussi à choper le plan. Et voilà, je pense que le label nous a beaucoup aidés, Listenable nous a permis de nous poser sur la tournée. C'est un tout et concrètement je ne pourrais pas trop te dire ce qui s'est passé. En gros nous nous sommes décidés à y aller et nous nous sommes débrouillés pour que ça puisse se faire, c'est toujours ça le plus important. Vu que nous ne faisons pas que de la zique, c'est jamais facile.

PhotoCosmic Camel Clash : Justement, n'avez-vous pas atteint le point le plus inconfortable pour un groupe ? Vous avez dépassé le stade du groupe de potes qui n'a pas de problème pour s'organiser car il n'y a pas de demande, mais vous n'en êtes pas encore au stade des pros qui ne font plus que ça. Ce n'est pas difficile à gérer ?

Sam : C'est exactement ça et c'est assez difficile, ça dépend des choix professionnels de chacun. Pour l'instant chacun tente de s'organiser pour que nous puissions faire les deux. Moi je travaille dans un lycée et je tente de jongler avec les deux : aujourd'hui ma musique ne me donne pas une professionalisation alors que mon boulot me la donne, j'ai besoin de thune pour vivre... alors je fais les deux. C'est plus dur que si je n'en faisais qu'un des deux, mais tout se mérite.

Cosmic Camel Clash : Vous en êtes à quel stade par rapport à la professionalisation ? Il reste énormément de marge ? Ca se rapproche?

Sam : Nous en parlons beaucoup et nous essayons de nous projeter mais ça ne va pas arriver du jour au lendemain. A un moment donné nous allons essayer de mettre en marche une procédure de professionnalisation, essayer de toucher un peu d'argent. Pour l'instant nous n'avons jamais touché un centime sur Hacride, nous avons beaucoup plus donné d'argent que reçu. Nous nous faisons payer pour des concerts, etc, mais c'est de l'argent qui est réinjecté sur des projets, des choses comme ça. La professionnalisation individuelle il faut que chacun s'y prépare, et peut-être qu'il va y en avoir deux qui vont se lancer d'abord parce que les deux autres ne pourront pas encore. Ce qu'il faut faire c'est se lancer, je pense qu'il y a plein de groupes qui sont passés par là, mais c'est compliqué. Le sujet est super vaste et la problématique que nous avons dans Hacride aujourd'hui c'est ça. Nous en parlons beaucoup : nous aimerions devenir professionnels mais la vie est un peu galère, il faut bouffer, payer son loyer, et voilà. Mais nous y pensons énormément et nous espérons que nous fournirons les efforts nécessaires pour y prétendre car ça ne tombe pas du ciel, il ne faut pas croire. Quand nous jouons à l'étranger nous n'avons pas le statut que nous avons en France et le cachet s'en ressent. C'est du temps, de l'investissement, et puis voilà. Mais c'est vrai qu'il y a une réelle opportunité sur l'album Amoeba et nous nous disons que c'est jouable : il y a d'autres groupes en France qui nous montrent que c'est jouable et nous nous disons « pourquoi pas nous ? » . On verra après administrativement quelles procédures mettre en place, moi je ne connais pas plus que ça le statut d'intermittent, en plus il y a plusieurs systèmes... pour l'instant c'est un sujet que je ne maîtrise pas.

Cosmic Camel Clash : L'autre actualité c'est le clip de Perturbed (clip ici) qui vient d'être terminé. Adrien m'avait dit que Hacride avait comme règle de composition le refus de la facilité. Ca s'applique aussi au clip ?

Sam : Je vois un peu ce qu'il a voulu dire, ce côté de ne pas prendre ce qu'il y a de plus facile à chaque fois. Nous essayons de mettre la barre le plus haut possible. Nous n'essayons pas de nous comparer uniquement à des groupes autour de nous, nous essayons de nous comparer à ce qui se fait de mieux, à ce que nous écoutons, etc. Le clip c'est un peu différent : la personne qui gère nos vidéos live (Ben Deka alias Benoît Decaillon) avait déjà des images et a été inspiré par la musique, l'univers, le groupe, tout ça. Et il s'est projeté dedans. Je ne dis pas du tout que ça a été facile : ça a été plus facile que si nous avions travaillé avec un prestataire sur le mode « On te file de l'argent, tu nous fais notre clip », là il y avait vraiment un lien. Donc il s'est bien lâché, il était inspiré par le fait que nous étions avec lui depuis le début, par le fait qu'il nous a sortis sur scène, qu'il avait déjà sorti du visuel sur Hacride... donc ça a été cohérent. Il avait envie de le faire ce clip, il voyait des images dans sa tête avant même... quand on était en concert avec lui il nous en parlait déjà : « Ouais, je vois ça, j'imagine ça, le scénario », machin... et nous avons joué le jeu aussi. C'est assez compliqué un clip, c'est un travail très dur, et en même temps nous n'avons pas fait le petit clip. Nous sommes allés jusqu'au bout avec le délire visuel, l'esthétique, le jeu de scène où nous avons joué comme si nous étions sur scène, ce qui n'est pas facile non plus car nous ne jouons pas en direct. Nous avons essayé de mettre la barre haut.
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Gazus : Certaines personnes sur Internet ont comparé le clip avec ceux de Tool...

Sam : Oui, ça me fait plaisir quand j'entends ça (rires). Bon c'est sûr que ce n'est pas du Tool, ça n'a rien à voir, mais on peut vraiment remercier Benoît Decaillon car c'est surtout lui, il a tout donné sur ce clip. Encore une fois nous nous sommes donné les moyens de le faire : ça ne tombe pas du ciel, il faut donner de sa personne pour après recevoir ça.

Cosmic Camel Clash : Le fait que vous ne soyez pas identifiables dans le clip et que vos visages soient noircis, est-ce que ça a un sens précis ? C'est plutôt venu du réalisateur ou de vous ?

Sam : Nous avons hésité un moment, lui ne savait pas trop et ça a plus été une orientation du groupe je pense. Nous avons voulu être plus énigmatiques et ça collait avec l'esthétique du clip. Il faut dire que ça s'est fait en post-production et qu'à ce stade on peut faire ce qu'on veut : on peut faire ressortir les visages ou au contraire les foncer dans le côté noir et blanc, etc. Et nous avons accentué ce côté-là, le côté énigmatique.

Cosmic Camel Clash : Concernant le choix du titre... la chanson qui vous fait le plus connaître sur le Net et ailleurs est "Zambra", la reprise d'Ojos de Brujo. Avez-vous fait exprès de ne pas choisir celle-là pour le clip ?

Sam : Franchement, oui et non. Le réalisateur du clip a tout de suite senti dans "Perturbed" un côté générique, qui représentait toutes les facettes de l'album. Il y a des chansons sur l'album qui sont plus typées sur un style, d'autres sur un autre, etc... l'album est évolutif. Il sentait vraiment que dans cette chanson il avait de quoi s'exprimer, raconter une histoire. Et nous l'avons suivi sur ce choix-là. Mais "Zambra" n'a pas été une chanson sélectionnée pour faire le clip, mais si je sais qu'elle parle à beaucoup de gens car c'est assez ouvert, le métal flamenco ce n'est pas quelque chose qu'on voit tous les jours.

PhotoCosmic Camel Clash : Adrien m'a décrit le processus de composition comme assez individuel, c'est lui, sa guitare et son PC. En tant que chanteur, comment interviens-tu ?

Sam : Le processus de création revient vraiment à Adrien sur la composition des morceaux, c'est indéniable... après il y a des étapes. Il envoie déjà des premières maquettes des morceaux et j'essaye de réagir très vite, de poser déjà des chants chez moi pour arriver à m'orienter sur la musique et lui dire « Ici je ressens ça, ça le fait, je peux m'exprimer, là c'est un peu plus dur ». Il fait ensuite réévoluer les structures par rapport à ça, et après nous nous gardons toujours une marge de création durant l'enregistrement, il y a encore des choses qui bougent à ce moment-là. Nous allons chercher des petits arrangements, etc. Toutes les idées sont sorties par Adrien, c'est sûr, mais il s'agit d'un processus, ça ne vient pas du jour au lendemain : il n'y a pas un moment ou il sort "Fate" ou "Perturbed" comme ça, il a fallu aussi qu'on passe à la passoire. On prend une idée brute, on voit ce qu'elle donne, on la remodèle... donc il y a une phase où il a besoin de nos avis je pense mais c'est lui qui reste le pionnier sur la création, ça c'est sûr. Mais moi j'arrive à m'exprimer sans aucun souci, j'essaye de réagir vite et c'est ça ma base de travail : lui renvoyer tout de suite un truc avec du chant, en lui disant « Là ça va, là j'aurais besoin de plus d'ouverture, plus de speed, plus de machin ». Ca dépend de ce que j'ai envie de faire... et après le chant je le compose tout seul. Enfin tout seul, j'écoute aussi les avis de tout le monde mais j'ai un premier jet que je balance. En studio j'ai vachement travaillé avec Frank, le preneur de son : j'avais déjà mes premières idées et après on affine. Et il y a encore des petits bouts de structures, d'arrangements qui arrivent en studio, et c'est ça qui donne aussi la magie de l'enregistrement studio, qui donne un petit truc en plus.


Cosmic Camel Clash : Vu l'importance du concept de l'amibe, comment l'as-tu articulé avec l'écriture des textes ?

Sam : Ça ne s'est pas tout à fait passé comme ça : des morceaux sont arrivés, il y avait une certaine ambiance, une certaine matière, moi je suis arrivé, je prenais le chant et je disais que je ressentais ça ou ça... j'ai envoyé des textes qui correspondaient déjà à ce qu'on trouve sur l'album mais qui ont été modifiés ensuite aussi... et après il y a eu un thème général qui a permis de tout regrouper. L'amibe est tombée dessus et ça a permis vraiment que tout le monde parte dans la même direction. Quand le nom de l'album est arrivé nous nous sommes dit « Voilà, ça schématise bien notre travail ». Ça schématise bien l'esprit de l'album et ce que nous voulions mettre dedans : le côté ouverture, le côté organique, le côté un petit peu progressif, le côté plus violent des fois... L'amibe c'est tout un thème qui est assez vaste aussi, c'est aussi en rapport avec des énergies, etc, ça correspondait vraiment beaucoup à tout ce que nous désirions.

Cosmic Camel Clash : Au niveau de ton style de chant - qui est assez paticulier - as-tu développé ta voix en te calquant sur des modèles ou as-tu trouvé ton style seul ?

Sam : Quand je reçois un morceau maquetté par Adrien, j'essaye vraiment de me mettre dans sa tête et d'exprimer ce que je ressens. Je n'essaye pas de calquer une vision, comme une façon de chanter à la Pantera (que je connais très bien), ce n'est pas ça du tout. C'est vraiment que si le morceau exprime ça, je dois exprimer ça par-dessus. Donc j'essaie de trouver la manière de faire encore plus se dégager cet univers là. Des fois je me plante hein, des fois on me dit que je devrais plus faire du mélodique ou alors partir en saturation, des choses comme ça. Mais concernant le travail de chant, j'ai toujours aimé différents types de chants, j'écoute des trucs variés. J'ai cité Pantera tout à l'heure, il y a Opeth que j'adore, Tool, des groupes de brutal-death comme Suffocation où je suis grave fan du chant. Il y en a plein : les chants à la Downset j'adore ça, ou Deftones, ou Meshuggah... y'a plein de chanteurs qui me le font grave... Slayer! J'adore la projection dans son chant, la façon dont il est brut, vif, presque nature dans son cri. J'essaye vraiment d'interpréter le morceau en fait.

Gazus : Tu citais "Perturbed" qui résumait bien l'album, est-ce que ce n'est pas aussi le cas pour la dernière chanson, "On The Threshold Of Death" ?

Sam : Tout à fait, ça a été l'hésitation entre ces deux morceaux-là et j'aime beaucoup cette chanson pour ce côté-là. Et elle a moins de riffs au fond : il y a trois ou quatre couleurs principales dedans alors que dans "Perturbed" tu peux en trouver six ou sept. Donc à partir de là c'est le réalisateur qui a préféré rentrer dans ce morceau-là vu tout ce qu'il avait envie de raconter dans la chanson, et nous comprenions aussi. En tous cas je suis complètement d'accord avec toi concernant "On The Threshold Of Death", et c'est aussi pour ça que nous terminons nos concerts sur ce titre. Je vois que j'ai affaire à un connaisseur!
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crédits photos : www.myspace.com/hacride


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