Maintenant que le Hellfest a pris du galon et rivalise facilement avec les autres grands festivals européens en termes d’affiche et d’organisation, les gens qui s’y rendent pourraient croire qu’ils peuvent se faire une idée de l’ambiance du W:O:A. Il serait facile d’imaginer que c’est juste la même chose en plus grand... ce qui est à des années-lumières de la réalité. Arriver dans le village le mardi ou le mercredi procure un sacré choc : le festival ne commence que dans deux ou trois jours et pourtant les métalleux sont partout. Dans les rues, dans les magasins, dans les jardins, absolument partout... et pourtant l’endroit est tout sauf en état de siège. L’osmose entre les locaux et les festivaliers a atteint un point difficile à imaginer pour qui n’en a pas été témoin. Imaginez des pavillons de classe moyenne où les habitants ont élevé des drapeaux W:O:A en lieu et place du drapeau national. Imaginez des maisons aux fenêtres ouvertes, une table posée dans le jardin, proposant petit-déj, bières, douche, sandwiches ou toilettes propres pour un prix modique. Ici certaines familles transforment leur logis en maison d’hôtes pour la semaine, et accueillent parfois le même petit groupe de hardos année après année. Des quadragénaires louent leurs services en tant que chauffeurs de pousse-pousse pour transporter les festivaliers d’un point à un autre. Image emblématique : les enfants à vélo qui prennent votre liste de courses, partent faire votre shopping puis reviennent avec des caisses de bière dans la remorque contre une commission. Et c’est comme ça partout.
Au-delà de l’économie parallèle ainsi mise en place, c’est un esprit d’acceptation fantastique qui se dégage de la scène. Les métalleux ne viennent pas se greffer à la communauté locale ; ils se fondent dedans, ils deviennent la communauté locale dès qu’ils sont sur place. On a beau ressentir un petit pincement au cœur quand on pense au décalage avec la réalité française, contempler le microcosme de Wacken fait un bien fou. On finit invariablement par se dire que c’est comme ça que les choses devraient se passer partout ailleurs. Mais trêve de rêverie, il reste à investir les lieux. La totalité du staff est d’une gentillesse et d’une compétence rares : les employés du festival et les bénévoles se plient en quatre pour répondre aux questions et aider les gens au mieux. Le problème vient avant tout de la taille inimaginable du camping : habitué au confort du camping VIP/Presse, votre serviteur chamelier a décidé cette année d’aller au front et c’est quelque chose. La zone s’étend à perte de vue et il faut garder un œil en permanence sur le plan fourni à l’entrée pour ne pas se paumer. Le fait d’avoir divisé le camping en secteurs et d’avoir nommé les allées comme des rues ("Blind Guardian Avenue", "True Metal Road", etc) est une bonne idée pas suffisamment exploitée : les panneaux indiquant ces rues sont trop rares et surtout les panneaux qu’on trouve à l’intérieur du campement ne disposent pas d’une mention « vous êtes ici » qui aurait grandement facilité les choses. |  |
Il reste donc les drapeaux signalant dans quel secteur on se trouve, mais c’est surtout en se perdant plusieurs fois de suite qu’on finit enfin par retrouver son chemin... ainsi qu’en se repérant par rapport aux toilettes et aux points d’eau, fort heureusement signalés sur la carte. Pas de problème de ce point de vue d’ailleurs : les WC sont généralement propres, le nombre de points d’eau est suffisant (qui boit de l’eau au W:O:A de toutes façons ?) et le tout est vidé / réapprovisionné tous les jours. On finit donc par s’installer confortablement et par y aller après avoir bien vérifié qu’on a tout : vu qu’on est à 30 min de marche du site, il ne vaut mieux pas oublier quelque chose dans sa tente. Le jeudi soir est traditionnellement la petite journée du W:O:A vu que les concerts commencent à 16h au lieu de 11h, mais la veille certains chanceux ont déjà pu apprécier
Onkel Tom Angelripper , alias Thomas Such, 46 ans, chanteur-bassiste du groupe Sodom, presque aussi connu (en Allemagne) pour son side-project de chansons à boire en allemand ayant déja sorti une poignée d'albums que pour son groupe de thrash. On le verra plusieurs fois lors de cette édition du Wacken, où son succès est certain : il y a joué à plusieurs reprises. "Es gibt kein bier auf Hawai !". Autre concert du mercredi :
Bon Scott... il faut savoir que le Wacken a commencé il y a 20 ans avec des groupes locaux, qu'il a donc grandi au fur et à mesure. Bon Scott, groupe hommage à qui vous savez, fit partie de ces groupes qui participèrent au tout premier Wacken en 1990 ! 20 ans après, ils nous font toujours danser dans le Headbangers' Ballroom, avec "Dirty Deeds Done Dirt Cheap", "TNT", et toutes les autres..
Revenons au jeudi soir.
Schandmaul, un des premiers groupes à jouer lors de cette 20è édition du Wacken, nous sert un set relativement sympathique, une musique rythmiquement très binaire mais rehaussée de passages folk très bien ficelés avec violons, flûtes et compagnie. Il y a aussi une cornemuse, ce qui est plus non-négligeable, et les musiciens sont très mobiles sur scène. C'est agréable. Par contre ce qui n'est pas agréable du tout ce sont les
Metal Hammer Awards : pendant plus d'une heure, on verra Sabina Classen de Holy Moses (véritable Monsieur Loyal du Wacken) énoncer quels groupes ont été élus... en allemand. Ce ne sera pas la dernière fois que ce genre d'annonce collective sera faite uniquement dans cette langue, et ça gonfle un peu quand on sait à quel point le W:O:A se targue d'être un festoche international. Suite à l’annulation d’Anthrax le premier gros morceau est le concert d’adieu de
Running Wild... las ! Groupe allemand des années 80 classifié "speed metal", on a du mal à le croire en voyant leur prestation en ce Wacken 2009. Ça ressemble plutôt à un groupe de vieillards déguisés en pirates, dont le chanteur a sérieusement du mal à atteindre les notes les plus aiguës. La seule raison pour laquelle votre serviteur a regardé le set jusqu'à la fin, c'est parce-qu'il fallait bien faire quelque chose en attendant Heaven & Hell... En plus il pleut à torrents, ce qui donne une raison supplémanetaire d'aller voir
Drone (
report ici) sous le chapiteau. La pluie finit par cesser, ce qui permet de profiter de la tête d’affiche
Heaven & Hell (
report ici).
En dehors de la tuerie Heaven & Hell ce premier soir aura surtout eu une portée historique : vingt ans du festival oblige, les groupes à l’affiche sont ceux qui étaient là pour la première édition (Skyline, etc. ). Il reste qu’on sait d’instinct où on a mis les pieds : cette ambiance, cet esprit de fraternité, cette aura n’existent nulle part ailleurs. On le sent dans l’air, on le lit dans le regard des gens... bienvenue à Wacken, petite bourgade au nord d’Hambourg où vous serez chez vous le temps de votre séjour. Posez vos valises, ça devrait être énorme.