CHRONIQUE PAR ...
Winter
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
15/20
LINE UP
-Travis LeVrier
(guitare)
-Chris Letchford
(guitare)
-Mark Michell
(basse)
-Pat Skeffington
(batterie)
TRACKLIST
1) Odyssey
2) Atlas Novus
3) The Olive Tree
4) Narrow Silent
5) Oracle
6) Evergreen
7) The Dark Horse
8) Willow
9) Sabrosa
10) The Traveller
DISCOGRAPHIE
En fin de compte, seule la batterie, qu’elle soit exécutée par un être humain ou par une machine, est un élément inamovible dans le rock, le metal et autres registres musicaux donnant dans le décibel. Le reste peut être supprimé : beaucoup de groupes font l’économie de claviers, beaucoup moins se passent de guitares, mais on en trouve quand même quelques-uns (Still Life, Necromantia…). La basse ? Combien de fois le pauvre bassiste est-il noyé sous les cris des guitares hurlantes ? Les Texans de Scale The Summit, eux, pratiquent un prog metal sans ressentir le besoin d’embaucher de chanteur. L’absence de vocaliste est souvent dangereuse, car en fin de compte, c’est lui qui, en général, pimente la sauce. Du coup, The Migration, quatrième livraison du combo, est-il un plat sans saveur ?
Non. Pas imbibé de Tabasco non plus, mais certainement pas sans saveur. Scale The Summit la joue néanmoins modeste sur tous les plans. Les Ricains évitent absolument tous les excès propres au metal d’obédience progressive : The Migration ne propose aucun morceau de plus de six minutes (je dis bien six, pas soixante…), les morceaux sont écoutables sans avoir dû passer un doctorat en « Science des Structures Musicales Sans Queue Ni Tête », et aucun des musiciens du groupe ne paraît avoir fait de crise de mégalomanie aiguë pendant l’enregistrement du disque. Certes, les guitares leads tiennent le devant de la scène - et c’est bien logique : en l’absence de vocaux, quelqu’un doit quand même parler à l’auditeur, non ? – mais ni Travis ni Chris ne semblent ni s'obséder avec le shred, ni vouloir attirer les regards sur eux plus qu’il n’en faut. Pat, le batteur, doté d’une frappe bien lourde, et Mark, le bassiste, ne sont pas manchots non plus, et même si ce dernier ose quelques secondes de solo sur "Narrow Salient", les deux compères mettent également leurs instruments au service du tout.
Du coup, The Migration est un album extrêmement cohérent et très agréable à écouter : la sensation d’harmonie y est présente de la première à la dernière seconde. Même "The Dark Horse", titre le plus sombre et un poil dissonant par moments, s’intègre parfaitement dans l'ensemble, ensemble où tout est parfaitement en place. L’auditeur, pour peu qu’il soit fan de ces musiques parfaitement maîtrisées, n’a plus qu’à fermer les yeux et laisser ses grandes oreilles décollées savourer ce joli mélange. Que ce soit en version énergique et bien heavy comme il faut (l’énergique "Narrow Salient", et surtout "Oracle" et "The Dark Horse" qui envoient du lourd) ou en mode un peu plus bohème, mais pas trop quand même ("Atlas Novus" et son début évoquant le "Ballerina" de Steve Vai, le remarquable "The Olive Tree" ou encore le subtil "Willow"), Scale The Summit convainc. Le revers de la médaille ? Comme toujours, quand une œuvre est tout en contrôle et en modération, il y a peu de place pour la folie. Pas de coups de sang, pas de démarrages furieux ou de solos endiablés, The Migration est un album sage, autant le savoir.
S’il n’y avait pas cet indéniable côté metal, on verrait presque Scale The Summit jouer dans un festival « jazz » pour paisibles amateurs de musique élaborée que se produire devant des hordes de métalleux assoifés de décibels. C’est un problème ? Pour ma part, absolument pas. Mais il est clair que si vous cherchez du sang et des glaires, ou encore le typique album prog totalement inécoutable à la structure fractale imbitable, The Migration n’est pas fait pour vous. En ce qui me concerne, je vais aller écouter de ce pas les trois albums précédents, parce que celui-ci m’a mis en appétit.