Oulala la grosse bombe de speed mélodique dans ta face! Avec Angels Cry, Angra fait des débuts plus que fracassants dans le genre, balayant une bonne partie de la concurrence au passage. Avant un Holy Land qui ancrera le groupe (ou plutôt ce line-up) dans le cercle restreint des grands du métal, le groupe brésilien nous pond ici un album déjà grandiose dans son style. Et pose les bases d’un son qui restera à jamais immédiatement identifiable.
Une petite anecdote concernant ce disque : ce n’est pas Ricardo Confessori qui tient les baguettes, mais ayant intégré le groupe juste après l’enregistrement il est déjà crédité comme batteur officiel dans le livret. Le batteur de session est à l’époque inconnu mais surprise, il s’agit d’Alex Holwartz, l’actuel batteur de Rhapsody. Pas un manchot donc. Passons sur les attaques de double-pédale et les roulements de la mort.
Bon… Commençons par le début: Angra donne dans un metal hyper mélodique et aux tempos généralement rapides. Tous les musiciens sont des tueurs, et méritent une présentation individuelle: Mariutti n’est pas mixé très en avant mais c’est un bassiste phénoménal et sous-estimé, assurant une rythmique en béton. Dans ce style je ne vois que Kainulainen de Stratovarius qui lui soit techniquement équivalent. La paire de gratteux Loureiro-Bittencourt, quant à elle, est une merveille. Ce sont littéralement des monstres tous les deux en rythmique, et Loureiro est à l’époque déjà un petit prodige de lead guitariste, qui d’ailleurs ira en s’améliorant constamment. Tous les soli de guitare tuent. Oui, tous. Vérifiez.
Et Matos… Forcément, une écoute moderne de cet album étonne rétrospectivement quand on sait à quel point le brésilien a développé sa voix depuis (maman, le live de Shaman!), mais malgré cela on reste séché devant ce virtuose de l’aigu. Sa voix fine, modulée sans cesse, si précise et qui parfois commence à s’énerver tout en atteignant des notes de malade mental, est une composante indissociable (à mon sens… héhé) de la « signature » Angra. Restent deux ingrédients pour que la recette soit complète: musque classique (notamment les violons et flûtes, omniprésents) et musique traditionnelle brésilienne. Ce dernier aspect, qui explosera dans Holy Land, est encore en retrait ici, mais transparaît de temps à autres, sur la chanson "Angels Cry" par exemple.
Le titre alternant un mid-tempo rock à consonances tribales et une partie speed rappelant dans l’esprit les meilleures années d’Helloween est un des piliers de l’album. Il est interrompu par un break monstrueux où le groupe part dans une interprétation metal des quatres saisons de Vivaldi. Note à note, car à ce stade Angra pompe allègrement dans les tubes du classique et n’a pas encore commencé à composer ses propres parties symphoniques, c’est du réarrangement. De fait, l’album s’ouvre sur une version claviers de l’allegro inachévé de Schubert, pour enchaîner sur "Carry On", tube par excellence, à fond la caisse, inventif au possible, ce qui manquait à mon avis au heavy speed mélodique à ce moment là. C’est en ça qu’Angra fait mouche: en délivrant un album magistralement interprété mais surtout varié, imprévisible et porteur d’une forte identité, dans un style qui commençait à salement tourner en rond.
La perle cachée de l’album, "Never Understand", est un bon exemple. Voici un titre déstructuré mais limpide, s’ouvrant sur une mélodie arabisante hypnotique et qui enchaîne les plans, sans réel couplet ni réel refrain, où la voie de Matos se fait tantôt cajolante tantôt lyrique, enfin bref avec tout ça on passe par une palette impressionnante d’émotions. Wow. Plus anecdotique mais techniquement hallucinante est la reprise de "Wuthering Heights" de Kate Bush. Oui, KATE BUSH, la chanson qu’on connaît, « Heaaaathcliiiif, it’s meeeeeee cathyyyyy… », chantée par un MEC. Musicalement, mouais, vocalement, oh mon dieu.
Sinon, une petite faute de goût de l’album… le petit délire d’Andre, "Lasting Child". Alors il y a un truc qu’il faut savoir sur Andre, c’est qu’il aime bien le classique et le baroque, mais alors beaucoup, et il aime bien quand c’est pompeux voire un peu dégoulinant (avis perso), alors il a fait "Lasting Child", le gros morceau conceptuel lourdingue en deux parties (la deuxième s’appelle "Renaissance", sic…). Il avait déjà fait le coup dans son ancien groupe Viper en adaptant la "Sonate Au Clair De Lune" de Beethoven en version musique d’ascenseur métal, et ça n’avait pas tellement plu. C’est son petit faible, à l’Andre, et quand il compose seul il dérape parfois… Mais cet album est quasi-totalement composé par Bittencourt, et Bittencourt c’est un gratteux rythmique, il aime quand c’est speed et que ça tape (voir Rebirth). Donc ça cogne aussi quand il le faut, comme avec "Evil Warning", resté longtemps le dernier rappel du groupe en live, un des meilleurs titres de speed mélodique que je connaisse. Une chanson métal qui vous emporte tout du long sans vous lâcher jusqu’à la dernière note.
Et en plus, sur le total, ce disque renferme une bonne collection de perles, il n'y a presque rien à jeter. Tous les ingrédients du succès sont là: des hymnes pour déchaîner les chevelus, des morceaux de bravoure guitaristiques, des breaks inattendus, des chansons ambiancées, une production à la hauteur, etc. Tout est dit. Angels Cry d’Angra est un excellent album. Si vous êtes fan de heavy / speed / true achetez-le, je peux pas faire plus direct. Mais le plus rigolo c’est que le suivant est encore meilleur…