Emperor -
Anthems To The Welkin At Dusk
Donc, c’est l’an de grâce 1997. Donc, c’est la sortie du nouvel album d’un groupe qui peut revenir à la composition après un petit stage en prison d’une de leurs têtes pensantes, Samoth. Donc, ça vient après un mini prénommé Reverence qui a donné toutes sortes d’espoirs fous à des fans en transe. Donc, ça s’appelle un groupe au pied du mur infranchissable de l’attente démesurée d’un public hagard. Donc, il faudra s’en foutre, et faire sa musique dans son coin.
Et c’est très précisément ce qu’Emperor va faire. SA musique. Ce qu’il veut faire, lui. In the Nightside Eclipse était du black stellaire ? Anthems to the Welkin at Dusk sera du symphonique spatial. Le groupe s’est attelé à créer une musique unique tout en restant dans son concept cosmique. Le nouveau son d’Emperor est beaucoup plus policé, presque lissé. Nettement meilleur au niveau qualitatif que celui de l’album précédent donc. Moins émotionnel par contre. Tant mieux car les Empereurs vont faire de la musique cosmique, spatiale, point de place pour les émotions dans les confins du vide. Toutefois, cela sera introduit par de doux accords de guitare, relayés par une attaque un peu plus franche, toujours tranquille pour enfin sauter aux oreilles de l’auditeur hypnotisé dans une cacophonie symphonique. 5 minutes. Voilà le temps que le groupe a mis pour vous faire entrer dans son Univers sans limite. 15 secondes, c’est ce qu’il faudra à "Ye Entrancemperium" pour vous tétaniser, l’air hébété.
Un déferlement à faire courber l’espace sonore dans une étoile à riffs si dense qu’aucune échappatoire n’est possible, si ce n’est prendre un pied cosmologique. L’incroyable supernova sonore que cette première chanson fait exploser aux tympans de l’auditeur est d’une intensité peu commune, et probablement inégalée dans le monde du black, ou peu s’en faut. La suite de la chanson achèvera de vous clouer, yeux écarquillés, poils hérissés. Elle laisse apparaître une nouvelle corde à l’arc du groupe : ses capacités techniques ont grandement évolué depuis In the Nightside Eclipse et il ne se prive pas de les utiliser pour proposer des compositions d’une classe insensée et complexes. Entre riffs changeants et virevoltants, batterie épileptique d’une célérité supraluminique maniant tout aussi bien les breaks et passages plus lents, claviers fort judicieusement utilisés entre le délicat et le manifestement symphonique et chant black toujours majestueux accompagné cette fois d’un chant clair (encore une originalité pour l’époque, plus ou moins introduite par le groupe), la révérence devient inévitable.
L’unique problème venant d’une telle entrée en matière condensée, c’est qu’il est simplement impossible de tenir la cadence. C’est donc naturellement que la suite ne vous apportera qu’un plaisir gigantesque, seulement terrestre. Pourtant, comment ne pas acquiescer devant le chant clair de "Thus Spake the Nightspirit" sur son refrain ou se dire qu’avec un véritable orchestre "Ensorcelled by Khaos" aurait sonné plus grande encore ? 8 ans avant Puritanical Euphoric Misanthropia de Dimmu Borgir, Emperor lance le pavé dans la mare de l’utilisation d’instruments classiques dans le black metal, les moyens en moins. Quoiqu’il en soit, sa musique du cosmos tient en haleine tout l’album, même si imperceptiblement, on sent que la fin procure moins de sensations que le début. Déclin très léger car le début de "The Loss and Curse of Reverence" arrive presque à rivaliser avec celui de "Ye Entrancemperium" en terme d’intensité et "The Acclamation of Bonds" suit la même ligne directrice de l’extase musical.
Cela n’empêche aucunement de classer cet album dans la Cour des très Grands. Ceux dont la classe impérieuse éblouit. Anthems to the Welkin at Dusk est le nouveau sceau au fer rouge sur le cuir du black metal apposé par le groupe. Indélébile, irremplaçable et extraordinaire, même au-delà de la sphère du simple black metal, c’est ce qu’on appelle un indispensable. Meilleur que In the Nightside Eclipse ? Passez-vous de ce genre de questions.
P.S. : La réédition comprend 3 bonus, 2 chansons tirées de Reverence et un live de "The Loss and Curse of Reverence". On s’attardera sur "Opus A Satana", impressionnante démonstration de ce qu’un clavier peut faire.